Près de deux ans après la mort de l’enseignante Agnès Lassalle à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), tuée en plein cours par l’un de ses élèves le 22 février 2023, le parquet de Bayonne demande la tenue d’un procès pour assassinat, a appris Le Figaro de sources proches du dossier, confirmant une information d’«ici Pays Basque». Le parquet a estimé que les charges étaient suffisantes pour renvoyer le jeune homme mineur au moment des faits - 16 ans - devant la cour d’assises des mineurs des Pyrénées-Atlantiques, à Pau.
Comme l’avait relaté une enquête du Figaro l’année dernière, le temps de l’enquête judiciaire a été rythmé par le questionnement d’une éventuelle altération du discernement du jeune homme. Maître Sagardoytho, avocat du suspect, avait déposé une requête en nullité de la procédure de garde à vue pour obtenir l’abolition, ou l’altération, du discernement de son client en s’appuyant sur l’article 122-1 du Code pénal, où on peut lire qu’une personne «atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes» n’est pas «pénalement responsable» de ceux-ci.
Au moment des faits, le mineur avait «mis en avant une petite voix qui lui parle, un être qu’il décrit comme égoïste, manipulateur, égocentrique, qui l’incite à faire le mal et qui lui aurait suggéré la veille de commettre un assassinat», avait relaté le procureur de Bayonne, Jérôme Bourrier. Depuis, plusieurs experts psychiatres se succèdent pour établir des expertises. Les deux premières, réalisées en mai 2023 et avril 2024, avaient conclu que l’adolescent était accessible à une responsabilité pénale. Dans une expertise psychiatrique que Le Figaro a pu se procurer, l’élève résumait son acte à ces mots : «la prof a juste été là au mauvais moment, au mauvais endroit».
Expertises fluctuantes
Mais une troisième expertise rendue en décembre est allée à rebours des deux premières, en concluant à une abolition du discernement de l’adolescent. «Avec trois expertises aux conclusions divergentes, c’est la cour d’assises qui va devoir dire quel rapport privilégier et donc départager les experts psychiatres en désaccord», regrette Maitre Thierry Sagardoytho, qui pointe le manque de cohérence. Le procureur de la République, lui, a choisi de retenir la préméditation. Une décision sera rendue par le magistrat instructeur d’ici à la fin du mois de février.
Agnès Lasalle, professeure d’espagnol de 53 ans, salariée du collège-lycée privé catholique Saint-Thomas d’Aquin de Saint-Jean-de-Luz depuis 1997 et passionnée de danse, avait été tuée d’un coup de couteau asséné en pleine poitrine par un élève de 16 ans. Son compagnon avait bouleversé l’opinion publique en entamant des pas de danse, seul, sur un air de Frank Sinatra, lors des obsèques de l’enseignante à Biarritz.
Ce drame avait eu lieu un peu plus de deux ans après l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité près de son collège après avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet lors de cours sur la liberté d’expression. Et le 13 octobre 2023, le professeur de français Dominique Bernard était poignardé à mort devant son établissement par un ancien élève âgé de 20 ans et fiché pour radicalisation islamiste.