Une rencontre Trump-Poutine à Moscou serait une première entre présidents américain et russe depuis plus de 10 ans
«Il viendra ici, et j’irai là-bas, et nous nous verrons probablement en Arabie saoudite la première fois». Après un appel téléphonique de près d’une heure et demie, selon le Kremlin, Donald Trump et Vladimir Poutine sont convenus mercredi 12 février de commencer «immédiatement» à négocier en vue de mettre fin au conflit en Ukraine, mais aussi de se rencontrer sous peu. Un petit séisme dans le monde diplomatique, tant les liens entre États-Unis et la Russie se sont distendus ces dernières années, notamment à cause de la guerre en Ukraine. Il s’agirait d’ailleurs de la première rencontre entre le dirigeant russe et un président américain depuis 2021.
Pour trouver trace de la dernière visite d’un président américain en Russie, il faut même remonter à septembre 2013. À l’époque, Barack Obama s’était rendu à Saint-Pétersbourg pour le sommet du G20, placé sous le signe de la crise en Syrie et de l’attaque à l’arme chimique lancée par le régime de Bachar el-Assad. La dernière rencontre d’un président américain avec Vladimir Poutine sur le sol russe remonte même à juillet 2009. Il s’agissait là encore de Barack Obama. Quant à la dernière visite du président russe aux États-Unis, elle date de septembre 2015. Il avait assisté à l’Assemblée générale des Nations unies et, une nouvelle fois, rencontré Barack Obama.
Pendant les deux mandats du premier président noir des États-Unis, la relation entre les deux hommes fut tortueuse. En août 2013, Barack Obama avait annulé une rencontre bilatérale, en raison de la «décision décevante» de la Russie d’accorder l’asile à Edward Snowden.
Avec Joe Biden, une rencontre brève et froide
Vladimir Poutine entretient une longue relation avec les présidents américains. Au pouvoir depuis 2000, le dirigeant russe a eu le loisir de rencontrer tous les chefs d’État américains du XXIe siècle. Le dernier sommet en date s’est déroulé avec Joe Biden à Genève le 16 juin 2021 dans un contexte tendu. Trois mois auparavant, le président américain avait qualifié son homologue de «tueur». En conséquence, Moscou avait rappelé son ambassadeur Anatoli Antonov. La Russie était, elle, accusée d’avoir lancé des cyberattaques contre les États-Unis.
À Genève, la poignée de main entre les deux chefs d’État fut brève et les entretiens plus courts que prévu. Joe Biden offrit à Vladimir Poutine une paire de lunettes de soleil sur mesure et une sculpture de cristal représentant un bison. En avaient résulté le retour de l’ambassadeur russe aux États-Unis et un avertissement solennel du président concernant les cyberattaques. Rien de plus, rien de moins.
Le premier sommet surréaliste avec Donald Trump
Après cette entrevue, la guerre en Ukraine a éclaté le 24 février 2022, et les chefs d’État des deux pays ne se sont plus jamais rencontrés. Un sommet entre Vladimir Poutine et Donald Trump, dans le contexte actuel, serait donc un événement majeur. D’autant que la dernière rencontre entre les deux hommes avait été aussi mémorable que controversée.
En juillet 2018, les présidents américain et russe doivent aborder des dossiers brûlants à Helsinki, en Finlande : guerre en Syrie, situation ukrainienne, dénucléarisation, accords culturels... Le «match de boxe», comme le titrait la presse française, entre deux des personnalités les plus fortes de l’échiquier mondial s’annonce intense. Il accouchera finalement d’une souris, et provoquera un tollé outre-Atlantique.
Au moment du bilan, Donald Trump écrit ainsi sur Twitter que les échanges avec son homologue russe ont été «bien meilleurs» qu’avec ses partenaires de l’Otan, qu’il avait rencontrés quelques jours plus tôt à Bruxelles. À cette époque, la Russie est pourtant au cœur d’accusations d’ingérence dans l’élection américaine de 2016, qui pèsent sur le mandat du président américain depuis son investiture. Et lors de la conférence de presse qui suit sa rencontre avec Vladimir Poutine, Donald Trump déclare qu’il n’y a «aucune raison pour laquelle ce serait la Russie», remettant ainsi publiquement en cause les services de renseignement américains. Avant d’assurer, le lendemain, que sa langue avait fourché, et qu’il ne voyait en réalité «aucune raison pour laquelle ce ne serait PAS la Russie».
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Cette séquence lunaire avait attisé de vives critiques jusque dans le camp républicain. Le sénateur John McCain avait par exemple déclaré qu’«aucun président ne s’était jamais aplati de manière si abjecte devant un tyran» et que ce sommet était «un des pires moments de l’histoire de la présidence américaine». Même la chaîne de télévision pro-Trump Fox News avait déploré le comportement du président. D’autant que cette rencontre n’avait débouché sur aucune mesure concrète.
Au cours de leur seconde et dernière entrevue, lors du G20 d’Osaka en juin 2019, Donald Trump avait choisi de revenir sur la polémique avec ironie : «Pas d’ingérence dans les élections, président, pas d’ingérence !» avait-il lancé à un Vladimir silencieux mais souriant, devant les journalistes.
Plus de 20 rencontres officielles avec Bush
Mais le président américain dont Vladimir Poutine paraissait le plus proche était incontestablement George W. Bush. Les deux dirigeants se sont rencontrés plus de 20 fois entre 2001 et 2008. Leur premier sommet fut marqué par une phrase qui collera longtemps à la peau du président américain, quand il déclara avoir regardé son homologue dans les yeux, avoir eu «une idée de son âme» et l’avoir trouvé digne de confiance.
Les deux hommes n’ont jamais caché leur estime l’un pour l’autre, malgré leurs désaccords. «C’est un peu nostalgique. C’est un moment qui vous rappelle que la vie continue», avait ainsi glissé George W. Bush lors de leur dernière entrevue officielle. Vladimir Poutine avait répondu que leur relation a toujours été «gratifiante». «J’ai toujours apprécié son honnêteté et son ouverture d’esprit, sa disponibilité quand il s’agit d’écouter son vis-à-vis», avait-il loué. Cette proximité attirera bien des critiques au dirigeant américain, certains lui reprochant d’avoir fermé les yeux sur certaines réalités du personnage et de la Russie.
Avec Clinton, une relation pragmatique
Le premier président américain rencontré par Vladimir Poutine fut Bill Clinton. Les deux hommes s’entretiennent pour la première fois en 1999 en Nouvelle-Zélande, quand le futur président russe n’est encore que le premier ministre de Boris Eltsine. À l’époque, Vladimir Poutine exprime déjà son scepticisme vis-à-vis du système politique russe et des perspectives démocratiques de son pays, selon des dossiers déclassifiés en 2020 par les États-Unis. «La Russie n’a pas de système politique établi. Les gens ne lisent pas les programmes. Ils regardent la tête des leaders, c’est tout», jugeaient-ils alors.
Les deux dirigeants se rencontreront ensuite à trois reprises entre 1999 et 2000. Leurs échanges illustrent des divergences sur des sujets clés, comme les droits humains et la sécurité, mais une approche pragmatique des relations entre les États-Unis et la Russie.