Pourquoi le nouveau dirigeant de la Syrie se présente désormais sous son nom de naissance, al-Chareh, à la place d'al-Joulani
C'est le nouvel homme fort de la Syrie post-Bachar al Assad : Ahmad al-Chareh ou, comme il se faisait encore appeler jusqu'à récemment, Abou Mohammed al-Joulani. Le nouveau dirigeant se présente depuis le 5 décembre sous son nom de naissance, qu'il avait abandonné en prenant les armes avec les jihadistes au début des années 2000. Un changement de nom symbolique pour un leader en quête de respectabilité et de légitimité sur la scène internationale.
Un changement de nom quand il s'engage aux côtés d'Al-Qaïda en Irak
Après avoir tenté des études de médecine et d'arabe littéraire, Ahmad al-Chareh s'engage aux côtés d'Al-Qaïda en Irak, en 2003, au début de la guerre d'Irak. C'est à ce moment-là qu'il change de nom, avec la kunya. Ce procédé traditionnel de la culture arabe consiste à se nommer comme "père de" (abou) ou "mère de" (oumm), en ajoutant le nom de son enfant. Il est aussi utilisé par les personnes souhaitant entrer dans la clandestinité, comme les jihadistes.
Al-Joulani, un nom de guerre en référence au Golan
Ahmad al-Chareh choisit alors de s'appeler Abou Mohammed al-Joulani, ce qui signifie "du Golan". Un nom de guerre en référence à ce plateau syrien dont sa famille a été chassée, en 1967, quand Israël a conquis la région, expliquait-il dans une interview donnée à la chaîne américaine PBS, en 2021.
En changeant de nom, il acte donc son entrée dans la mouvance djihadiste. Il le gardera au fil de ses changements de groupes islamistes, passant d'Al-Qaïda à l'État islamique, puis au Front al-Nosra et au Front Fatah al-Cham, avant de fonder le mouvement Hayat Tahir al-Sham (HTS), en 2017. Cette nouvelle organisation est à l'origine de l'offensive rebelle qui a conduit à la chute de Bachar al-Assad en douze jours.
Abandonner l'identité jihadiste
Début décembre, alors qu'un gouvernement de transition est nommé par HST en Syrie, le leader redevient Ahmad al-Chareh, abandonnant ainsi son identité clandestine jihadiste. "De ce que nous pouvons voir, c'est une personne véritablement changée", estime Shiraz Maher, un expert de l'extrémisme islamiste à l'université King's College de Londres, auprès de The Guardian. "Il a fait tout un cheminement et, à Idleb, il a développé une théologie pragmatique", poursuit-il. Le nouveau dirigeant syrien a, par exemple, déclaré vouloir œuvrer à la protection des minorités, appelant à "coexister ensemble".
L'abandon de son nom de jihadiste va de pair avec une transformation physique. Alors qu'il se présentait en habits militaires, turban blanc sur la tête et longue barbe, lors de sa première apparition télévisée en 2016, Ahmad al-Chareh arbore désormais un look occidentalisé. Dans une interview sur la chaîne saoudienne Al-Arabiya, le 29 décembre, le dirigeant porte un costume cravate avec une barbe plus courte et mieux taillée.