Le dernier lycée musulman de France dénonce une «décision politique» pour contester sa fermeture en justice
Un important comité de soutien s’était mobilisé. Derrière Maître Sefen Guez Guez les défenseurs du groupe scolaire Al-Kindi étaient nombreux à se masser sur les bancs du tribunal administratif de Lyon ce lundi après-midi. L’audience en référé du dernier lycée privé musulman de France contre la décision préfectorale de résiliation de son agrément revêtait un enjeu important. Le contrat d’association avec l’éducation nationale permet à l’établissement de recevoir 1,75 million d’euros d’argent public, pour payer le salaire de ses professeurs.
Il avait été dénoncé par la préfecture du Rhône à l’automne sur la base d’un rapport d’inspection académique du printemps pointant, pour la première fois en 13 ans, des manquements au respect des valeurs républicaines. Des ouvrages prônant le djihad violent mais aussi le viol conjugal ou la torture des homosexuels avaient notamment été retrouvés dans la bibliothèque de ce lycée de l’est lyonnais reconnu pour son excellence.
«Oui il y avait des ouvrages qui n’avaient pas leur place au sein du CDI, ils ont été retirés mais n’étaient de toute façon pas accessibles à l’emprunt pour les élèves», a reconnu Me Sefen Guez Guez. Il a insisté sur les «mesures correctives apportées» sur ce point comme sur les autres griefs soulevés par la préfecture. Et souligné le préjudice et la perte d’attractivité subie par le lycée, ses enseignants et ses élevés dont 53% sont boursiers contre 11% dans le privé sous contrat dans son ensemble. Le règlement intérieur jugé sexiste ? Corrigé également. Quant au professeur qui tenait des propos contraires aux valeurs de la République sur Youtube, il a été licencié.
Entrisme frériste pour l’État
«Ces manquements ne sont pas isolés mais font système dans un établissement noyauté par les frères musulmans, a pointé l’avocate du ministère de l’Intérieur, rappelant la proximité de plusieurs fondateurs d’Al-Kindi avec ce courant tenant d’un islam politique. Cet établissement dysfonctionne et dysfonctionnera. Ce n’est pas parce qu’on va retirer quelques ouvrages du CDI que ça ira. Cela ne peut pas changer parce que c’est dans les tréfonds de l’organisation».
Maître Guez Guez a souligné l’absence d’avertissements lors des neuf précédentes inspections et contrôles menés depuis 2013. Le contrôle inopiné du printemps dernier était le premier portant sur la partie sous contrat de l’établissement. «Ce lycée d’excellence va former les cadres dirigeants de demain mais à côté de l’enseignement pédagogique il farcit la tête de préceptes d’un autre âge», a martelé l’avocate du ministère de l’Intérieur. De quoi donner du grain à moudre en sortie d’audience à Maître Guez Guez, qui s’est dit «scandalisé» devant la presse. «On ne veut pas former une élite musulmane en France» a-t-il martelé, reprenant un de ses axes de défense depuis le début de cette affaire.
«Procès politique»
Sur l’aspect financier aussi, le conseil d’Al-Kindi a plaidé l’absence d’avertissement de l’état jusqu’à cette «sanction disproportionnée» du mois de janvier. Le lycée n’avait pas transmis ses bilans à l’administration fiscale et mélangé les subsides entre les 80% de classes sous contrat et les autres. Sur l’absence de cours d’éducation sexuelle, Al-Kindi a martelé là aussi s’être corrigé. Quant aux contenus programmatiques insuffisants dans un module d’histoire-géographie, sur la mémoire de la Shoah notamment, Maître Guez Guez a souligné qu’il s’agissait d’un enseignement optionnel suivi par trois élèves.
Les défenseurs d’Al-Kindi ont vilipendé un «procès politique» multipliant les références aux affaires Stanislas et Bétharram pour dénoncer un «deux poids deux mesures». «Le réseau éducatif scolaire musulman n’est pas traité de la même façon», assure Maître Sefen Guez Guez, dénonçant une rupture d’égalité de traitement. L’idée c’et de s’en prendre aux Frères musulmans a travers cette décision de suspension.» Le président a en tout cas rappelé plusieurs fois à l’ordre les deux parties, qui débordaient régulièrement du strict cadre de cette requête en urgence contre la résiliation de l’agrément préfectoral. La décision est attendue dans la semaine mais il ne s’agira certainement pas du seul rendez-vous devant la justice au vu de la détermination des parties.