Thierry Martin est essayiste, membre de l’Association des Écrivains Catholiques.
Le pape Léon XIV a déclaré dimanche qu’un jeune prodige de l’informatique âgé de 15 ans serait le premier saint millénial de l’Église catholique, donnant à la prochaine génération de catholiques un modèle auquel ils peuvent s’identifier et qui utilisait la technologie pour répandre la foi et gagner le surnom « d’influenceur de Dieu ». « C’était un geek, rappelle sa mère Antonia Salzano-Acutis, il a eu son premier ordinateur à 6 ans et créé le site du diocèse de Milan. À 9 ans, il codait des programmes statistiques pour mon mari, son papa, assureur. Peut-être que c’était dans son ADN, car nous descendons de Paolo Ruffini, un mathématicien italien du XIXe siècle. »
Passer la publicitéÀ l’aube de l’an 2000, il crée un musée virtuel et une exposition intitulée « Les miracles eucharistiques dans le monde ». « L’Eucharistie est l’autoroute vers le Ciel », disait Carlo. Douai, 1254, le jour de Pâques. Alors qu’il distribuait la communion, le prêtre fit tomber par terre, par mégarde, une hostie consacrée. Il la ramassa aussitôt, mais celle-ci se souleva d’elle-même et se posa sur l’ostensoir. Peu après à sa place parut un enfant splendide que tous les fidèles et les religieux présents purent contempler.
La précieuse relique du miracle fut conservée et honorée jusqu’à la Révolution, puis on en perdit les traces pendant plusieurs années. En octobre 1854, le curé de l’église Saint-Pierre à Douai découvrit par hasard, sous le Christ de l’autel des défunts une caissette de bois contenant une petite hostie, encore blanche mais abîmée sur les bords. Une lettre écrite en latin témoignait : « Je soussigné, chanoine de l’illustre église collégiale Saint-Amé, je certifie que c’est vraiment l’hostie du saint miracle que j’ai soustraite au danger imminent de la profanation en la recueillant. Je l’ai déposée dans ce ciboire et j’ai laissé ce témoignage écrit de ma main pour les fidèles qui la découvriront par la suite ».
Des miracles eucharistiques comme celui-là, il y en a 136 exposés sur le site de Carlo. Les catholiques parlent de transsubstantiation, de la présence réelle du Christ dans l’hostie consacrée. Les orthodoxes partagent avec nous cette grâce mais malheureusement pas les protestants. « Peu après avoir reçu la première communion à l’âge de sept ans, Carlo se rendait chaque jour à la Sainte Messe et récitait inlassablement le Saint-Rosaire. Il pratiquait l’adoration eucharistique, car il était particulièrement convaincu qu’en se tenant face à Jésus Eucharistie, on devient des Saints », indique le site de Carlo. Le jeune homme se demandait souvent quelle était la motivation qui poussait ces personnes à attendre des heures en file indienne sur des kilomètres pour assister à un concert de rock ou à un film alors qu’on ne les voit jamais devant Jésus Eucharistie.
Selon lui, les gens ne se rendent pas compte de ce qu’ils perdent, car, dans le cas contraire, les églises seraient tellement pleines qu’on ne parviendrait pas à y rentrer. Dans le Saint-Sacrement, répétait-il avec ferveur, Jésus est présent de la même façon qu’il l’était il y a 2. 000 ans, au temps des Apôtres, mais à cette lointaine époque les fidèles étaient contraints de se déplacer continuellement pour le voir ; nous sommes aujourd’hui bien plus chanceux puisque nous pouvons le contempler dans n’importe quelle église proche de chez nous. Pour ne faire que citer Carlo : « Nous avons Jérusalem au pied de chez nous ».
Dans les années qui ont suivi sa mort, nombre de jeunes catholiques se sont rendus par millions à Assise, où ils peuvent voir Acutis à travers une tombe vitrée, vêtu d’un jean, de baskets Nike et d’un sweat-shirt
Thierry Martin
Atteint par une leucémie foudroyante en octobre 2006, il meurt en quelques jours. À l’hôpital, pourtant condamné, il a stupéfié le personnel médical par son attention aux autres, surtout les plus vulnérables. Le pape François a déclaré en 2018 que Carlo savait comment utiliser les nouvelles technologies pour transmettre l’Évangile, pour communiquer des valeurs et de la beauté.
Passer la publicitéCarlo disait aussi : « Tous naissent comme des originaux, mais beaucoup meurent comme des photocopies ». Le Saint-Père a fait du jeune homme un bienheureux – l’étape précédant la canonisation. C’est aussi lui qui a signé les décrets reconnaissant deux miracles attribués au jeune homme après son décès, passage obligé de la sanctification : un enfant brésilien et une étudiante italienne, gravement malades, sortis d’affaire après une prière à Carlo Acutis, sans que les médecins se l’expliquent.
La canonisation de Carlo Acutis, qui est mort en 2006, prévue par le pape François, a été accomplie par Léon XIV, lors d’une messe en plein air sur la place Saint-Pierre devant environ 70.000 personnes, dont beaucoup étaient des milléniaux et des couples avec de jeunes enfants. Au cours de la première messe sainte de son pontificat, Léon a également canonisé une autre figure populaire italienne décédée jeune, Pier Giorgio Frassati. Léon a dit que les deux hommes ont créé des « chefs-d’œuvre » en les consacrant à Dieu. « Le plus grand risque dans la vie est de la gaspiller en dehors du plan de Dieu », a dit Léon dans son homélie, dimanche 7 septembre. Les nouveaux saints « sont une invitation pour nous tous, en particulier les jeunes, à ne pas gaspiller nos vies, mais à les diriger vers le haut et à en faire des chefs-d’œuvre».
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Dans les années qui ont suivi sa mort, nombre de jeunes catholiques se sont rendus par millions à Assise, où ils peuvent voir Acutis à travers une tombe vitrée, vêtu d’un jean, de baskets Nike et d’un sweat-shirt. Il semble dormir. Même si certaines parties de son cœur ont parcouru le monde en tant que reliques. Frassati, l’autre saint canonisé dimanche, a vécu de 1901 à 1925, il est mort à 24 ans de la polio. Il est né dans une famille éminente de Turin mais est connu pour son dévouement au service des pauvres et ses actes de charité tout en répandant sa foi à ses amis.
Les deux cérémonies de canonisation étaient prévues pour plus tôt cette année, mais ont été reportées après la mort du pape François en avril. François avait vivement poussé le cas de la canonisation d’Acutis, convaincu que l’Église avait besoin de quelqu’un comme lui pour attirer les jeunes catholiques à la foi tout en abordant les promesses et les périls de l’ère numérique. Une grande partie de la popularité d’Acutis est due à une campagne concertée du Vatican pour donner à la prochaine génération de fidèles un « saint d’à-côté » qui était ordinaire mais faisait des choses extraordinaires dans la vie. En Carlo Acutis, ils ont trouvé un millennial technophile identifiable – le terme utilisé pour décrire une personne née entre 1981 et 1996, la première génération à atteindre l’âge adulte dans le nouveau millénaire. Matthew Schmalz, professeur d’études religieuses au collège Holy Cross à Worcester, dans le Massachusetts, a déclaré que la canonisation d’Acutis étend la tradition de l’Église en matière de piété populaire à l’ère numérique.