La polémique s’étend et s’enfle, après les propos tenus par le patron de la chaîne de restaurants franchisés Bistro Régent, Marc Vanhove. Invité récemment à s’exprimer sur son modèle économique sur le plateau de Cnews, ce restaurateur bordelais - à la tête d’une enseigne de restauration fondée en 2010 et considérée comme «low cost» - n’a en effet pas hésité à se vanter d’employer des salariés non qualifiés dans ses cuisines. «À la base, on n’a pas de cuisiniers. On les forme et on les formate à notre système. Ce qui fait qu’on n’a pas de problème de personnel, puisqu’on ne peut pas nous piquer nos cuisiniers car ils ne savent pas faire un œuf mayonnaise, un plat du jour ou une mousse au chocolat», s’est-il ainsi exprimé. Avant d’ajouter : «Donc ils restent chez nous et on est tranquille, là où les autres s’embêtent un peu avec le personnel».
Un discours assumé qui n’a pas tardé à faire réagir sur les réseaux sociaux, entre ceux qui estiment que les propos sont particulièrement «choquants» et ceux qui pensent que Marc Vanhove fait bien «ce qu’il veut» dans ses restaurants. «On n’est plus dans le commerce mais dans le Thénardier mercantile», s’insurge une internaute, faisant référence aux Misérables de Victor Hugo. «Si les employés sont informés et consentants, payés en temps et en heure, au fond, où est le problème ?», s’interroge un autre. «Donc là, le patron de Bistro Régent explique tout sourire qu’en cuisine, son personnel ne sait pas cuisiner et est juste “formaté” à ce qui se fait dans l’entreprise et pas suffisamment formé pour la quitter. Et la journaliste trouve ça “formidable”», regrette une journaliste, en diffusant la séquence en question.
«Ce n’est pas très valorisant»
Interrogé sur cet extrait qui cumule déjà près d’un million de vues, Frank Delvau, qui dirige l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) en Île-de-France, estime que cette ligne de pensée «n’est pas représentative de la profession». «Ce n’est pas très valorisant pour ses enseignes Bistro Régent, cela veut dire qu’il (Marc Vanhove, NDLR) ne change pas souvent de produits sur sa carte. Sinon, cela doit être problématique», relève ce représentant de restaurateurs, pour qui comparer la profession à du «travail à la chaîne» serait bien «trop réducteur». «Ce n’est pas comme ça que l’on voit la profession, avec l’image d’un ascenseur social qui ne fonctionne pas», déplore-t-il encore, persuadé du contraire. «On peut commencer simple commis de cuisine, devenir chef de cuisine et finir par ouvrir son propre restaurant», assure le professionnel.
Et si les propos de Marc Vanhove lui paraissent «un peu idiots», un restaurateur parisien sous couvert d’anonymat explique «ne pas être étonné» que certains professionnels du secteur agissent de la sorte. «À mon avis, c’est ainsi dans beaucoup de grandes chaînes», croit-il savoir. «Ça se voit qu’il n’est pas habitué aux plateaux télé, il s’est fait piéger par les questions», relève un autre, pour qui embaucher des cuisiniers non qualifiés ne peut être possible que si «la carte proposée est assez courte». Sur le site officiel de Bistro Régent, la carte affiche pourtant plusieurs grands classiques de la gastronomie française dont le tartare de bœuf, l’escalope de saumon à la plancha ou le magret de canard grillé. Autant de plats qui requièrent tout de même un certain savoir-faire.
Un patron «autodidacte» avec un franc-parler
Et s’il ne semble pas être parfaitement dans son élément sur le plateau de Cnews, Marc Vanhove est pourtant un habitué des projecteurs puisqu’il a participé à plusieurs émissions de télévision, dont Patron Incognito. Dans ce cadre, il s’est notamment fait passer pour un critique culinaire afin d’espionner ses propres équipes. Il s’y présente comme un «autodidacte» qui a réussi seul, mais n’adopte à aucun moment la même position que celle prônée il y a quelques jours. Les salariés présents dans l’émission sont d’ailleurs assez loin de ce qu’il décrit aujourd’hui, puisque beaucoup sont passés par des écoles de cuisine, et affichent au moins un CAP dans ce domaine.
Alors comment expliquer ce que certains décrivent comme une «sortie de route» ? Sans doute par un franc-parler bien à lui, comme lorsqu’il assume dans une interview accordée en 2020 de ne proposer qu’une carte très restreinte. «On n’a pas grand-chose. Ça ne plaît pas à tout le monde, mais il ne faut pas vouloir plaire à tout le monde (...) On a une formule très simple. Du bœuf, du saumon, du magret, avec de la salade et des frites», expliquait-il ainsi à Aquitélé en 2020, affirmant que sa grande fierté était surtout de «créer de l’emploi» et «de la richesse dans son pays». Rien d’étonnant donc de la part de celui qui a également son siège dans l’émission Qui veut être mon associé ?, où il vient distiller ses conseils marketing et communication auprès de jeunes entrepreneurs qui se lancent.