Notre critique d’Au pays de nos frères : fabuleux destins de réfugiés afghans en Iran
Trois chapitres sur trois décennies pour trois personnages d’une fratrie dans l’Iran des années 2000-2020. Les réalisateurs iraniens Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi ont choisi ce format pour raconter non pas une histoire d’Iraniens opprimés, mais celle de leurs « frères » afghans réfugiés au pays des mollahs. Lesquels sont tout autant tyrannisés, alors qu’ils sont venus pour se reconstruire après l’invasion américaine de leur pays.
Mohammad est étudiant, Leila femme de ménage et Qasem un retraité qui a porté sa famille pendant toutes ces années. Le premier est brillant et fait l’admiration de ses camarades de classe. Mais, à trop briller, il se fait embarquer plusieurs soirs de suite à la sortie de classe pour servir de main-d’œuvre gratuite à la gendarmerie. Les archives ont été inondées, il faut déplacer les dossiers et refaire le local. La deuxième travaille avec son mari chez des Iraniens aisés qui les traitent plutôt bien. Mais quand elle trouve son mari mort dans leur chambre, la peur la tétanise. Elle ne révèle rien et trouve des stratagèmes pour l’enterrer. Quant au troisième, il tremble en recevant une convocation du bureau de l’immigration. Il pense savoir pourquoi : il n’a pas déclaré son déménagement. La raison est tout autre. On lui annonce que son fils qu’il croyait en Turquie est mort au côté des forces iraniennes en Syrie.
Les deux cinéastes ont voulu un film le plus honnête possible qui rende compte de l’indifférence des Iraniens, et de la communauté internationale, pour les réfugiés afghansTrois histoires, trois drames, mis en lumière avec beaucoup de tact, au propre comme au figuré. Les deux cinéastes ont voulu un film le plus honnête possible qui rende compte de l’indifférence des Iraniens, et de la communauté internationale, pour les réfugiés afghans. Pour parvenir à ce résultat, ils sont devenus eux-mêmes réfugiés. Le prix à payer pour ne pas soumettre leur film à la censure, qui l’aurait massacré. Un sacrifice qui valait la peine.
En éclatant les trois histoires sur trois lieux et trois saisons, ils auraient pu se perdre dans un film à sketchs. Ils arrivent au contraire à bâtir un seul récit et à souligner qu’un problème existant en 2001 persiste en 2021. De l’hiver en milieu rural du premier chapitre au printemps du deuxième et son bord de mer, à la ville et ses bruits dans le troisième, une même tristesse inonde les personnages, mais elle est constamment éclairée avec douceur. Une volonté du directeur de la photo qui, face à ces personnages « éteints », voulait les filmer de la plus belle des manières.
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Sensation d’étouffement
Pour être au plus près de la vérité, des acteurs afghans ont été impliqués. Hamideh Jafari, Mohammad Hosseini et Bashir Nikzad ont vécu des parcours similaires à ceux qu’ils interprètent. Chacun utilise le mensonge avec le même but : protéger son entourage et ne pas ajouter du malheur au malheur. Les instants les plus durs ne sont que suggérés, jamais montrés. De même, ils transmettent régulièrement une sensation d’étouffement en filmant les visages entre deux encadrements de porte ou derrière des rideaux tout en rétrécissant l’image. L’Iran accueille 5 millions de réfugiés afghans. Au pays de nos frères leur donne un visage.
Drame de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi. Avec Hamideh Jafari, Bashir Nikzad, Mohammad Hosseini, Marjan Khaleghi. Durée : 1 h 35
L’avis du Figaro : 3/4.