Rendre visite à Mickey et ses amis est devenu une activité de luxe. En l’espace de trois ans, la valeur du billet d’entrée à Disneyland Paris a grimpé d’environ 13 %. Si vous souhaitiez vous y rendre ce week-end, vous devriez dépenser entre 83 et 98 euros pour la visite du parc principal et entre 108 et 123 euros pour un passage supplémentaire dans le Walt Disney Studio. Alors, pour s’octroyer le droit à un petit tour aux frais de la princesse, certains visiteurs, malins, trouvent des astuces, parfois même des failles dans le système de billetterie. La dernière en date vient tout droit de TikTok.
Les internautes y partagent des vidéos dans lesquelles ils assurent pouvoir rentrer gratuitement dans le parc d’attractions. Comment ? En demandant le billet des visiteurs qui en sortent. L’un d’entre eux, un dénommé Medino, s’en est procuré plusieurs auprès de visiteurs anglophones. Il lui a fallu seulement 30 secondes pour les convaincre. Le 10 septembre dernier, une certaine Youma a publié une vidéo similaire dans laquelle elle assure « entrer gratuitement avec sa pote à Disney ». Dans celle-ci, une mère de famille leur donne les tickets de ses enfants, « fatigués ». Les deux jeunes filles diffusent ensuite des photos d’elle dans les boutiques et les attractions du parc. La vidéo, virale, enregistre 170 000 vues et devient très incitative.
Billets valables toute la journée
« Ça a toujours existé, mais c’est de plus en plus fréquent, notamment avec l’ère des réseaux sociaux », constate Lucas, ancien titulaire d’un « Disney pass ». Si l’entrée est si facile, c’est en raison des modalités des billets, valables toute la journée. Selon le site Internet de Disneyland Paris, le visiteur peut « entrer et sortir du parc autant de fois » qu’il le souhaite dans la même journée. Il lui suffit de présenter son billet aux contrôles d’accès pour entrer à nouveau dans l’enceinte. Sa validité expire au moment de la fermeture, à 22 heures.
Le parc assure auprès du Figaro que « les billets sont tous nominatifs ». Des billets anonymes circulent pourtant sur le marché. Disneyland Paris explique aussi avoir mis en place un nouveau système de « prise de photos aux tourniquets du parc » pour contrer cette pratique. Celle-ci est associée au billet d’entrée adulte « afin de contrôler l’accès » et « lutter contre les entrées frauduleuses », indique le parc sur son site, ajoutant que « toutes ces photographies sont supprimées dans un délai d’une semaine ».
Une personne est chargée de surveiller six portiques et certains employés laissent les fraudeurs passer
Une ancienne salariée de Disneyland Paris
Les « casts-members », nom donné aux employés du parc, disposent alors d’une tablette sur laquelle le visage du visiteur s’affiche au moment où il scanne son billet. Difficile pour autant de prouver l’efficacité du dispositif. « Le contrôle n’est pas systématique, remarque une ancienne salariée anonyme de Disneyland Paris. Il y a un vrai problème de sous-effectif. Une personne est chargée de surveiller six portiques et certains cast-members laissent les fraudeurs passer. » Mais peut-on réellement les qualifier ainsi ?
Respecter les conditions générales de vente
Selon le droit français, le don de billet n’est pas prohibé et n’engage donc aucune poursuite pénale. Il faut donc se référer aux conditions générales de vente - dites CGV - des parcs d’attractions qui peuvent interdire explicitement toute cession ou transfert. Pour Disneyland Paris, il est précisé que le visiteur peut, « avant le début du Forfait », céder sa réservation à une autre personne « remplissant toutes les conditions du contrat sous réserve de notifier cette décision au moins sept jours avant le début du séjour ». Le texte indique également que le billet doit être utilisé par la même personne toute la journée et que le donner à quelqu’un d’autre pourrait « constituer une violation du règlement ».
Si l’une de ces conditions n’est pas respectée, le personnel de sécurité du parc peut décider de refuser l’accès au site, annuler la validité du forfait sans remboursement ou même radier le profil du client des fichiers. Si l’un des employés se rend compte qu’un individu est en train de demander les billets d’autres visiteurs, il est ordonné de l’exclure définitivement du parc pour la journée. C’est la peine maximale. Ce cas de figure est seulement possible lorsque le démarchage se fait dans l’enceinte de Disneyland. « Lorsque vous êtes à l’extérieur de la zone de sécurité, par exemple juste devant la gare de Marne-la-Vallée, vous êtes dans un lieu public, donc la sécurité du parc n’a aucun droit d’intervention », explique Pierre Landy, avocat en nouvelles technologies.
Passer la publicitéReconnaissance faciale et biométrique
Ce dernier a l’habitude de fréquenter les différents sites de la Walt Disney Company à travers le monde, où les dispositifs de sécurité ne sont pas les mêmes qu’en France. « Au Shanghaï Disney Resort, les visiteurs entrent grâce à un système de reconnaissance faciale, indique-t-il. Ils sont pris en photo au moment où ils passent le tourniquet. La technologie examine ensuite si le cliché correspond à celui transmis au moment de l’achat des billets. » L’image est ensuite conservée dans les données du parc pendant la totalité du séjour. Elle est réutilisée à chaque passage aux portiques de sécurité. Le parc de Shanghaï assure que la photo est supprimée à la fin de la journée et qu’elle reste facultative.
Ces différents dispositifs sont imparables
Pierre Landy, avocat en nouvelles technologies
Aux États-Unis, Walt Disney World, qui inclut le Magic Kingdom, EPCOT, Animal Kingdom et les Disney’s Hollywood Studios, prend les empreintes digitales des visiteurs à l’entrée du parc depuis 2013, dans le but de « prévenir la fraude ». « Le système, qui utilise la technologie biométrique, prend une image de votre doigt, la convertit en une valeur numérique unique et la supprime immédiatement », précise l’institution dans ses conditions générales de vente. Le recours à l’empreinte digitale reste, lui aussi, facultatif pour les visiteurs pouvant présenter à la place une pièce d’identité. « Ces différents dispositifs sont imparables, commente Pierre Landy. C’est comme dans les aéroports. Le billet est lié à une partie de vous. Il est unique. »
Les parcs français utilisent le tampon
En France, Disneyland Paris fait exception. Le parc Walibi Rhône-Alpes, qui accueille plus de 400 000 visiteurs à l’année, ne vend pas de billets nominatifs. L’entrée n’est valable qu’une seule fois. « Une fois scanné, le code-barres est obsolète, remarque Thomas Mondon, directeur marketing et ventes chez Walibi Rhône-Alpes. Si une personne souhaite sortir pour une raison exceptionnelle, le personnel de sécurité lui met un tampon sur la main. » Il est donc impossible de rentrer dans le parc avec le billet de quelqu’un d’autre. Même chose du côté de Nigloland, dans l’Aube, où plus de 700 000 personnes se rendent chaque année, nous assure le service de communication. Le Parc Astérix a également recours à cette pratique.
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À la question « pourquoi ne pas utiliser un système de tampon ? », Disneyland Paris, via son service de communication, nous répond : « La sécurité est très importante et nous mettons l’accent dessus. » Selon Pierre Landy, la « technologie de reconnaissance faciale ou biométrique est là, mais si elle n’est pas mise en place, c’est que la situation n’est pas si dramatique ». L’avocat précise aussi que Disneyland Paris doit se plier aux réglementations françaises, notamment au RGPD, le règlement général sur la protection des données valable dans l’ensemble de l’Union européenne. Il est donc impossible pour le parc d’avoir recours aux dispositifs déployés par ses filiales à Los Angeles et Shanghaï.