REPORTAGE. Euro 2025 : stades et fan zones remplis, audiences records... Malgré la défaite de sa Nati face à l'Espagne, la Suisse s'est prise au jeu du foot féminin

Une salve d'applaudissements. Au coup de sifflet final, la fan zone de Barfüsserplatz de Bâle (Suisse) n'a pas hésité. Les milliers de spectateurs présents ont acclamé à l'unisson le parcours de la Nati malgré sa défaite (2-0) en quarts de finale, vendredi 18 juillet, face aux championnes du monde en titre espagnoles. "Si on perd, je serai triste mais quand même fière de cette équipe", assurait Jana dès la mi-temps, alors que les Suisses résistaient encore.

Pour le premier quart de finale de l'histoire de l'équipe suisse, les deux écrans géants installés dans le centre-ville, l'un posé au pied d'une ancienne église transformée en musée d'histoire de la ville et l'autre à côté du théâtre, avaient fait le plein. À l'image d'un Euro qui séduit partout dans le pays.

Une des fan zones de Bâle (Suisse), située dans le centre-ville, le 18 juillet 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)
Une des fan zones de Bâle (Suisse), située dans le centre-ville, le 18 juillet 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)

À une heure en transport d'un stade de Berne bouillant derrière l'équipe nationale, l'ambiance est en revanche restée sage à Bâle. Pendant 90 minutes, amateurs de foot et simples curieux ont religieusement observé le sérieux des joueuses helvètes. Pas de musique, ni de klaxons ou de fumigènes. Et même aucun chant avant une franche occasion espagnole à la 60e minute. Puis de timides "Hop Suisse" ont commencé à s'élever, pas douchés par l'ouverture du score d'Athenea del Castillo (66e) puis le but de Claudia Pina (71e). "C'est la première fois que je viens à la fan zone. C'est calme et chaleureux, très différent de l'ambiance qu'il peut y avoir sur des matchs masculins. Ici, personne ne va crier des insultes", apprécie Ida, habitante bâloise. 

"La Suisse a déjà gagné"

Lancé le 2 juillet, l'Euro féminin de football a trouvé son public en Suisse. La qualification en quarts de la Nati, pour la première fois de son histoire, n'aura fait que renforcer le succès pour le pays hôte. "Peu importe le résultat contre l'Espagne, la Suisse a déjà gagné" titrait ainsi, vendredi, l'éditorial du Temps, journal national. Au total, en phase de groupes, 461 582 fans ont assisté à un match, et 22 des 24 rencontres ont été jouées à guichets fermés. La Nati a de son côté porté son record d'affluence au-delà des 34 000 personnes (lors de l'opposition face à la Norvège à Bâle) et rempli les trois plus gros stades du pays (Bâle, Genève et Berne).

La marche des fans suisses en direction du stade Wankdorf de Berne, le 18 juillet 2025, en amont du quart de finale Suisse-Espagne. (SIPA)
La marche des fans suisses en direction du stade Wankdorf de Berne, le 18 juillet 2025, en amont du quart de finale Suisse-Espagne. (SIPA)

Alors que le championnat national n'est même pas professionnel, et que l'intérêt pour le football féminin reste mineur, des "fan walks" (marches de fans) en direction du stade ont réuni 14 000 personnes à Berne avant leur second match. Pas négligeable pour un pays qui compte 9 millions d'habitants. "Tous mes proches ont participé au défilé des supporters. Je me suis demandé si je préférais être dans le bus ou dans la foule à ce moment-là. Nous n'aurions pas pu rêver de cela", a témoigné l'attaquante suisse Ana-Maria Crnogorcevic auprès de l'UEFA. 

Audiences télévisées historiques

À la télévision aussi, les audiences sont excellentes et historiques, avec un pic à 71% de parts de marché pour le match de la qualification pour les quarts, arrachée dans les arrêts de jeu. L'Euro et les performances de la Nati ont aussi conquis un nouveau public en Suisse. "Le foot de femmes a recruté un public qui ne s'intéressait jusqu'ici qu'au foot masculin", décrypte Lionel Pittet, journaliste au service sport du Temps.

Organisé dans huit villes suisses, l'Euro s'affiche partout. Certaines cités ont cependant davantage le cœur qui bat pour la compétition européenne, avec plus de restaurants et bars offrant des retransmissions. Bâle et Saint-Gall vibrent ainsi plus que les internationales et très économiques Zurich et Genève. À Bâle par exemple, des feux piétons ont même troqué le traditionnel bonhomme vert pour une footballeuse. 

Au-delà des villes hôtes, "des communes urbaines mais aussi campagnardes ont installé des écrans géants, avec un programme d'animations pour faire découvrir le foot de femmes à travers des activités sportives mais aussi culturelles", indique Lionel Pittet, auteur d'une chronique hebdomadaire "Le foot et les femmes" depuis janvier. "D'habitude on ne voit ça que pour les tournois masculins. Ça crée un brassage culturel chouette à vivre."

Un héritage à perpétuer

Pour combler l'absence de matchs le 20 juillet, deux films seront ainsi à l'affiche des deux fan zones bâloises dimanche : le biopic consacré à la Française Marinette Pichon et Le Miracle de Berne, sur la victoire de l'Allemagne de l'Ouest face à une Hongrie vue comme imbattable au Mondial 1954. Des rencontres avec d'anciennes joueuses ont aussi été organisées.

À l'instar d'autres organisateurs de compétitions sportives, l'Association suisse de football espère capitaliser sur l'événement pour multiplier par deux l'ensemble des acteurs du foot féminin : joueuses (de 40 000 à 80 000), coachs, arbitres, cadres dirigeantes. "Je n'ai aucun doute qu'on y arrive sur le nombre de joueuses, même si la limite sera celles des infrastructures et du nombre de coachs", veut croire Lionel Pittet, qui en revanche s'attend à ce que "le soufflet retombe" s'agissant du suivi de la Nati. Dans son éditorial, le journaliste appelait d'ailleurs à "choyer la nouvelle génération de footballeuses", avant de conclure : "Il serait beaucoup plus triste de frustrer les vocations nées pendant l’Euro que d'en être éliminé par l'Espagne".