Nouveau Nutri-score : quels changements vont entrer en vigueur ?

L’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul du Nutri-Score avait été annoncée pour janvier 2024. Après un long bras de fer avec les industriels de l’agro-alimentaire et un blocage assumé du ministère de l’Agriculture, le nouvel algorithme, notant la qualité nutritionnelle des produits alimentaires vendus en supermarchés, va enfin entrer en vigueur, a annoncé le gouvernement ce vendredi 14 mars. « Compte tenu des enjeux impératifs de santé publique, les ministres ont décidé de signer l’arrêté modifiant les règles de calcul du Nutri-Score », lit-on dans un communiqué des ministres en charge de l’Économie, de la Santé, de l’Agriculture et du Commerce. Avec 14 mois de retard, donc. Il s’agit de « lutter contre le surpoids, l’obésité  » qui génère « des sujets aussi lourds que les maladies cardiovasculaires, le diabète et certains cancers », a commenté vendredi matin la ministre de la Santé Catherine Vautrin sur TF1.

Huit ans après son implémentation en France, le Nutri-score est devenu un repère essentiel pour de nombreux consommateurs, même s’il fonctionne uniquement sur le volontariat des industriels qui peuvent choisir d’apposer ou non le logo sur leurs emballages. Aujourd’hui, 1400 marques, soit un peu plus de 60 % de la distribution alimentaire, l’ont adopté. Concrètement, l’algorithme tient compte des éléments positifs des aliments (protéines, fibres, fruits et légumes) et de leurs éléments négatifs (graisses saturées, sucre, sel, calories). La somme des points positifs et négatifs aboutit à une note, classée selon des seuils. Un calcul élaboré « avec beaucoup de travaux scientifiques », appuie le Pr Hercberg, épidémiologiste spécialiste de la nutrition qui est à l’origine du système. Aujourd’hui, « près de 140 études ont démontré l’intérêt et l’efficacité du Nutri-score en termes de prédiction des maladies chroniques  et d’efficacité en termes de compréhension », appuie ce dernier.

Six autres pays européens (Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays Bas, Espagne et Suisse) l’ont par ailleurs adopté. Sous l’impulsion d’un comité d’experts issus des 7 pays, le label fait l’objet de mises à jour régulières pour suivre l’évolution des connaissances scientifiques. Et « on s’est rendu compte, à l’usage, qu’il y avait certaines imperfections », admet le Pr Hercberg. Dès 2022, un comité scientifique composé d’experts « indépendants et sans conflits d’intérêts » des 7 pays européens concernés, a donc présenté un nouveau mode de calcul. À savoir : pénaliser davantage le sucre, ainsi que le sel présent dans les aliments, mais aussi les édulcorants dans les boissons. Les seuils aussi sont modifiés.

Des notes plus sévères pour les céréales sucrées

La répercussion est importante pour les céréales de petit déjeuner. La plupart des marques, à l’exception de certains mueslis très peu sucrés, ne pourront plus afficher un score A. Toutes seront préférentiellement classées à partir de la note C.

L’exemple des célèbres pétales de blé chocolatés est emblématique pour le Pr Hercberg: « Au départ, les Chocapic contenaient plus de 50 g de sucre pour 100 g de céréales - quasi des confiseries. Elles étaient en D. Nestlé a joué le jeu en réduisant la teneur en sucre à 30 g, puis 22 g de sucre pour 100 g. De nouveaux ingrédients comme le blé complet ont été ajoutés. Chocapic s’est retrouvé juste au-dessus du seuil définissant la catégorie A. » L’amélioration de la qualité nutritionnelle du produit est « une très bonne chose », convient Serge Hercberg, « mais il se retrouvait au même niveau que des mueslis ne contenant que très peu voire pas de sucre. »

Les édulcorants et les yaourts à boire davantage ciblés

Les boissons comme le Coca Zéro, le Pepsi sans sucre, qui étaient classés B, se retrouvent en C, D, voire E s’ils contiennent des édulcorants parfois associés au sucre. Enfin, des boissons végétales ou yaourt à boire, autrefois classées dans le calcul des aliments généraux au lieu des boissons, ont également rétrogradé. « Ce n’était pas normal qu’elles puissent bénéficier d’un mode de calcul comme celui d’un yaourt solide, alors qu’elles peuvent parfois contenir plus de sucre qu’un soda », justifie le Pr Hercberg. Plusieurs boissons végétales, le lait écrémé ou demi-écrémé, pourront encore porter l’étiquette B, mais parmi les boissons, seule l’eau sera encore classée A.

L’annonce de ce changement a cependant déjà suscité un abandon partiel de l’affichage du Nutri-Score par certaines marques comme Danone ou Bjorg.

Fromages, huiles, blé complet, poissons gras moins pénalisés

Seuls certains fromages à pâte pressée (comme l’emmental) gagneront un point, passant de D à C, en raison de leur faible teneur en sel et en mauvais gras (graisses saturées). Sont attendues également de meilleures notes, A ou B, pour certains aliments contenant de bonnes graisses (acides gras oméga-3 notamment), comme les poissons gras (sans ajouts de sel ou d’huile). En revanche, la viande rouge - dont la consommation en grande quantité augmente les risques de développer des maladies cardiovasculaires et des cancers - aura tendance à passer derrière les scores des poissons et des volailles.

Les huiles seront mieux discriminées selon leur quantité de mauvais gras. « Les huiles d’olive, de colza, de noix et de tournesol seront notées B, car elles sont moins riches en acides gras saturés que les autres huiles, qui passeront en C ou D, tandis que l’huile de coco et le beurre resteront en E », rapporte le Pr Hercberg. Pour les pâtes et le pain, les produits complets, riches en fibres, seront mieux notés (A) que leurs homologues raffinés (B ou C).