Un des rappeurs de Kneecap comparaît au tribunal pour avoir brandi un drapeau du Hezbollah en concert
Hasard du calendrier, l’audience intervient le jour même de la sortie dans les salles françaises du biopic peu conventionnel que leur consacre Rich Peppiatt. Le rappeur Mo Chara du trio nord-irlandais Kneecap comparait mercredi matin devant un tribunal de Londres pour « infraction terroriste ». Il lui est reproché d'avoir brandi un drapeau du mouvement pro-iranien Hezbollah lors d'un concert londonien en novembre. Un comportement qui selon la police est de nature à « faire raisonnablement soupçonner qu’il soutient une organisation interdite », un délit selon la loi britannique. Le Hezbollah est considéré comme un mouvement terroriste outre-manche
Groupe de rap à l'énergie punk originaire de Belfast chantant en anglais mais surtout en gaélique, Kneecap récuse la présence britannique en Irlande du Nord et plaide pour la réunification de l’île d’Emeraude. La formation est coutumière des provocations. Le trio, composé également de Móglaí Bap et DJ Próvaí, revendique haut et fort son engagement propalestinien. Kneecap a suscité de vives réactions en projetant des messages accusant Israël de commettre « un génocide contre le peuple palestinien » à Gaza sur la scène du festival californien Coachella en avril.
D’anciennes vidéos de concerts du groupe, sur lesquelles la police enquête également, ont été exhumées - dont celle du drapeau, dans laquelle un membre du groupe semble aussi crier « Allez le Hamas !, allez le Hezbollah ! » -. Le groupe a par ailleurs dû récemment s’excuser après la diffusion d’une vidéo datant de 2023 semblant montrer l’un des membres appelant à la mort de députés conservateurs britanniques.
«C’est comme cela qu’ils ont été élevés»
Âgé de 27 ans, Mo Chara - de son vrai nom Liam Og O Hannaidh - a été inculpé le 21 mai. Ses compères de Kneecap ont appelé ses fans à venir en nombre pour le soutenir devant le tribunal, situé dans le quartier de Westminster. Le groupe a démenti «avoir commis cette infraction» et nié tout soutien au Hezbollah, dénonçant une décision «politique». «Ils essaient de nous réduire au silence», «d'annuler nos concerts, de m'enlever ma liberté de voyager», avait dénoncé Mo Chara fin mai lors d'un festival à Londres.
Lors de son passage à Paris la semaine dernière pour promouvoir le film qu’il leur consacre, le réalisateur Rich Peppiatt confiait au Figaro avoir parlé au groupe après leur performance controversée de Coachella : « Ils ont compris que leur langage était maladroit. Ils ont le cœur sur la main, mais la façon dont ils s’y sont pris a été extrêmement maladroite ». Et de remarquer : « Les gens n’ont pas conscience pas que là d’où ils viennent, de Belfast-Ouest, il y a autant de drapeaux palestiniens que de drapeaux irlandais. C’est comme cela qu’ils ont été élevés. Pour des raisons historiques et culturelles, la position par défaut en Irlande est de soutenir la Palestine. Etre pro-israélien est une position controversée ».
Le cinéaste, ancien journaliste, regrette «un monde où si on est en désaccord avec quelqu’un, le réflexe premier soit de l’annuler». Et Rich Peppiatt de plaider : «Je déteste cette culture qui veut les priver de travail, leur interdire de jouer. Je crois en la liberté de parole et d’opinion. Kneecap ne mérite pas la pression qu’ils subissent actuellement. Je n’ai jamais rencontré de personnes aussi déterminées à exprimer leurs convictions et prêtes à en assumer les conséquences».
Concert à Rock en Seine
Suite à toutes ces controverses, Kneecap a été écarté d’un festival dans le sud de l’Angleterre et a vu plusieurs de ses concerts annulés, en Allemagne notamment. Il a en revanche reçu le soutien d’autres groupes comme Massive Attack, Pulp ou Fontaines DC, qui ont dénoncé une «répression politique» et une «tentative claire et concertée de censure et de déprogrammation». Les rappeurs, qui doivent se produire à Rock en Seine le dimanche 24 août, toujours à l’affiche du festival anglais Glastonbury le 28 juin, malgré les appels des élus conservateurs et du Conseil des représentants des juifs britanniques à le déprogrammer.
Le trio nord-irlandais a accédé à la notoriété en 2024 avec son album «Fine Art» et un docu-fiction survolté, Kneecap. Primé notamment au festival de Sundance, ce biopic, où les rappeurs jouent leur propre rôle, a fait un malheur au box-office irlandais et a raflé l’équivalent le Bafta, l’équivalent de nos César du meilleur premier film britannique. Une certaine ironie du destin. Fondé en 2017, le trio défend sa langue ancestrale le gaélique et l’emploie comme un cri «anticolonialiste» face à la puissance britannique. Le nom du trio lui-même vient de la pratique des groupes paramilitaires qui tiraient sur leurs victimes au niveau des genoux durant le conflit nord-irlandais.