Le rideau du Studio Marigny s’ouvre sur un air de french cancan, puis le dessin animé d’un portrait de femme-fleur (Émilie Chollat) qui sourit, puis verse une larme. L’image symbolise à la perfection Les Monologues du vagin, d’Eve Ensler, créé à Broadway en 1996. Traduite en 45 langues, son œuvre est depuis montée régulièrement partout dans le monde. « Dans mon temps, on ne parlait pas de ces choses-là ! », avance l’une des 200 femmes que l’auteure new-yorkaise a interrogée dans tous les pays sur sa relation à la sexualité. Aurore Auteuil s’en empare à son tour avec une énergie et une joie communicatives.
Elle transpose les textes avec une fidélité louable dans la traduction de Coralie Miller et d’Alexia Périmony. Assise sur des gradins en bois, parfois debout, entre Galia Salimo et Camille Léon-Fucien, manuscrit à la main, l’actrice et metteuse en scène qui a interprété ce manifeste féministe à ces débuts, prête sa voix à toutes les femmes, qui sont en majorité dans la salle. Chacune relate une histoire personnelle, souvent traumatisante. « Mon vagin est en colère, il faut qu’il parle de toutes ces conneries », lance l’une de ses « héroïnes » ordinaires. « Le clitoris est le seul organe humain dont l’unique fonction est de donner du plaisir », rappelle une autre malicieuse.
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La fille de Daniel Auteuil ne fait ni la morale, ni la leçon. Elle transmet simplement, et non sans humour, les mots et les maux de ses sœurs qui ont subi des violences, excision, viol… Avant-gardiste, Eve Ensler a changé les mentalités en brisant les tabous sur ce « truc en bas ». L’émotion est là, mais le rire sauve du désespoir. Aurore Auteuil s’est entourée de deux interprètes décomplexées : Galia Salimo, une ancienne danseuse de revue qui a incarné Joséphine Baker à l’Alcazar, porte-parole des femmes transgenres. Et Camille Léon-Fucien, une actrice prometteuse passée par le Conservatoire national supérieur d’art dramatique. La jeune fille a été repérée dans une série de France télévisions, L’École de la vie, qui racontait les tribulations d’une adolescente en surpoids (2020).
Les trois artistes qui succèdent à Fanny Cottençon, la première à avoir osé lire Les Monologues du vagin, n’ont pas à rougir de leur prestation. Impliquées jusqu’au bout des ongles, elles sont graves et drôles exactement là où elles doivent l’être. « On a envie d’emmener sa mère, sa fille, les hommes qui nous entourent. C’est un texte qui entraîne les gens vers l’utopie, la fraternité, l’amour. Et c’est avant tout une incitation au courage », estimait la romancière Geneviève Brisac dans Le Monde, en 2008). Eve Ensler applaudirait cette version qui fait du bien et pas seulement aux femmes.
Les Monologues du vagin, au Studio Marigny (Paris 8e), le lundi et le mardi jusqu’au 23 décembre. www.theatremarigny.fr