"A cinq, ils ont payé 42 000 dollars pour pouvoir sortir " : à la frontière entre Gaza et l'Egypte, une agence de voyages monnaye le passage
À Gaza, la vie a un prix très précis... qui a été fixé ce week-end par une agence de voyages égyptienne. Cette organisation, avec d’autres, propose une sortie de la bande de Gaza en passant légalement par la frontière égyptienne. Cette unique porte de sortie était jusqu’à présent fermée à double tour, sauf pour les actions humanitaires ou diplomatiques. C’est un service pour les plus fortunés : le permis de passage coûte 4 600 euros. Une façon assumée de faire de l’argent sur les victimes de la guerre.
Assia fait partie de ces Gazaouis à avoir quitté l’enclave grâce a son passeport égyptien. Depuis ce week-end, elle héberge au Caire une famille de Palestiniens qui a dû, par contre, payer le prix fort pour sortir de Gaza : "Ils sont cinq, ils ont payé presque 42 000 dollars pour pouvoir sortir. Là, ils ont attendu presque un mois pour l'apparition de leur nom."
"Je n'ai pas cet argent en cash"
Cette famille est passée par un intermédiaire à Gaza. Mais depuis samedi soir, cette tarification de la frontière est donc devenue officielle : l'agence égyptienne propose un prix par adulte et par enfant. À Rafah, Khaled essaye de réunir l’argent pour sept personnes au total : "Ils ont ouvert ça pour les Palestiniens, le prix c'était 3 000 dollars [pour un adulte] et 1 500 dollars pour un enfant. Le lendemain, le prix a doublé. C'est devenu 5 000 dollars pour mon cas. J'essaye de trouver de l'argent. Je n'ai pas cet argent en cash. Leur procédure est compliquée, il faut payer en Égypte."
Malgré les difficultés, depuis quelques jours, il y a la queue au Caire devant l’agence en question : Hala. Proche des renseignements égyptiens, elle monnayait déjà les entrées et les sorties avant la guerre. Elle a donc augmenté ses tarifs, et repris son activité. Ahmed Benchemsi, directeur du plaidoyer Moyen-Orient pour Human Right Watch rappelle : "On avait déjà publié un rapport il y a deux ans, dans lequel plusieurs Palestiniens disaient que pour sortir par Rafah, il fallait graisser la patte de certains officiers égyptiens. Donc la pratique n'est pas nouvelle."
"Mais aujourd'hui, la situation est, on l'imagine, cent fois, mille fois pire. Il y a près d'un million de déplacés internes à Rafah, insiste le directeur du plaidoyer Moyen-Orient pour Human Right Watch. Dans une pure logique d'offre et de demande, il est concevable, comme le rapportent les enquêtes de presse, que le tarif du pot-de-vin, demandé par les officiers égyptiens, ait considérablement augmenté." De plus en plus de Gazaouis veulent sortir de l’enclave. Mais ils sont très majoritairement démunis.