Immigration : plus de 100.000 Afghans vivent en France, les demandes d’asile en hausse «exponentielle»

En 2007, quelque 1600 Afghans vivaient sur le territoire français selon l’Insee. Vingt ans plus tard, ils sont 100.000, dont les trois quarts arrivés les dix dernières années, révèle une note pour la Fondapol et l’Observatoire de l’immigration et de la démographie. Ce rapport, publié le 6 juin par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), souligne «un phénomène massif, récent, inattendu par son ampleur», selon les termes de son directeur général Didier Leschi.

Car parmi ces membres de la communauté afghane, les trois quarts sont arrivés après 2016, révèle le rapport. 89.000 bénéficient d’un titre de séjour, et plus de 10.000 autres étaient en cours de procédure Ofpra en 2024. En fonction des délais d’instruction, ils «se verront délivrer un titre de séjour dans le courant de 2025, ou en 2026». Ce qui propulse les Afghans parmi les dix premières nationalités titulaires d’un titre de séjour en France. Leur nombre est même deux fois supérieur à celui des Syriens détenteurs d’un titre de séjour, «alors même que les liens historiques entre la France et la Syrie sont bien plus anciens et profonds, la France ayant exercé un mandat sur ce pays à partir de 1918», souligne l’Ofii.

Système protecteur

Parmi les pays européens, la France est l’un des pays privilégiés - loin toutefois après l’Allemagne qui a enregistré 34.000 demandes d’asiles pour la seule année 2024, contre 10.300 pour la France. Pourquoi l’Hexagone ? Le rapport note que les dispositions y sont plus favorables pour les réfugiés afghans. Alors que le taux moyen de protection des Afghans en Europe (c’est-à-dire le taux de réponses positives aux demandes d’asile) se situe à 63%, demeurant même très bas en Suède avec 40%, il est resté au-dessus de 70% en France. Une réalité qui favorise les «mouvements secondaires» : des personnes déboutées dans d’autres pays de l’Union européenne et qui se tournent vers la France pour retenter leur chance.

C’est en 2015 que le phénomène s’accélère, devenant même «exponentiel», selon le rapport, après la prise de Kaboul par les talibans en août 2021. En 2015 sont enregistrées 2200 premières demandes d’asile. En 2016, 6000. En 2018, 9500 et en 2023, 17.550. De sorte qu’aujourd’hui, les Afghans sont en tête des nationalités demandant l’asile en France, après les Ukrainiens bénéficiant d’un système de demande exceptionnel. Ils sont encore plus de 13.000 Afghans à avoir déposé une demande en 2024.

Difficile intégration

Leur nombre n’est toutefois pas proportionnel à leur degré d’intégration. Les Afghans restent marginalisés, d’abord par une forte divergence culturelle. Selon une étude du Pew Research Center de 2013 citée dans le rapport, 99% des Afghans se déclarent alors favorables à la charia et 85% à la lapidation en cas d’adultère. Leur faible niveau éducatif constitue également un frein important à l’insertion et à l’accès à l’emploi. Plus de 40% des personnes interrogées par l’Ofii ont déclaré ne jamais avoir été scolarisées, malgré les vingt années de «république islamique» en Afghanistan sous influence et présence occidentale.

Cette communauté grandissante en France s’illustre aussi par une surreprésentation dans la délinquance. En France, où les statistiques ethniques sont interdites, on sait que les étrangers représentent 25% des détenus condamnés, alors qu’ils ne constituent que 8,2% de la population. En Allemagne, les Afghans comptent pour 2,3% des mis en cause dans les infractions, un taux cinq fois supérieur à leur poids démographique dans le pays. Les crimes sexuels sont particulièrement concernés, reflétant «les difficultés des rapports femmes-hommes et la dévalorisation des femmes», un «problème culturel majeur, comme on le sait, en Afghanistan», souligne le rapport. Les Afghans sont par exemple 21 fois plus présents que d’autres nationalités dans les cas d’abus sexuels sur mineurs, et fortement impliqués dans des infractions liées à la pornographie enfantine ou aux violences.

Le rapport souligne enfin la sous-représentation des femmes dans cette immigration afghane en France. «Quasiment invisibles», elles représentent moins de 20% des personnes exilées, un taux dû majoritairement au système de regroupement familial. Le rapport exhorte à «analyser» ce phénomène, à l’heure où les Afghanes, durement réprimées par le régime taliban, bénéficient désormais d’un droit collectif à l’asile politique. Leur sous-représentation dans la communauté afghane de France«ne peut s’expliquer uniquement par les difficultés des routes migratoires», estime l’Ofii. «Il est aussi le reflet d’une mentalité profondément enracinée dont les hommes, même réfugiés, demeurent imprégnés».