Depuis six mois, ses semaines sont rythmées par des entraînements sportifs intenses, avec trois heures hebdomadaires de tapis incliné associées à des séances de renforcement musculaire et de gainage. Lucie Retail se prépare à gravir le célèbre volcan japonais du mont Fuji. Les 3 et 4 juillet, elle va tenter cette ascension, accompagnée par l’association No Difference, dont l’une des missions est de permettre aux personnes en situation de handicap de réaliser des défis sportifs. Ce projet représente un exploit de taille pour la quadragénaire, quadri amputée depuis deux ans.
«Au retour d’un voyage au Gabon , en février 2023, j’ai eu les premiers symptômes d’un paludisme de forme grave», raconte depuis Tokyo l’intéressée, jointe par téléphone avant son départ. Après une période de coma, cette mère célibataire de trois enfants a été amputée des pieds puis des mains. «Avant j’avais un corps dit “valide”. Aujourd’hui, j’ai un corps dit “non valide”, mais dans ma tête, je me sens bien plus valide que je ne l’ai jamais été», témoigne cette femme dotée d’une incroyable force de résilience.
Prothèses et bâtons
En 2024, Lucie Retail a été contactée par Claudio Alessi, le cofondateur de l’association No Difference qui l’avait repérée sur Instagram. Rapidement, le multiple champion d’arts martiaux lui propose d’escalader le sommet légendaire. «J’ai senti des feux d’artifice dans les entrailles. Je n’ai pas réfléchi et j’ai dit oui. Quelques semaines après, je me suis dit : “qu’est-ce que j’ai fait ?”. Mais ça dépasse le mental !», confie celle qui a dû apprendre à marcher avec des prothèses. «C’est comme sur des échasses. Vous n’êtes pas en contact avec le sol. Ce sont deux barres métalliques de 30 centimètres». Pour l’occasion, «avec l’aide de mon prothésiste et d’associations, on m’a fait faire un bâton. Même si je vais parfois avoir besoin que Claudio me tire ou me pousse, je pourrai goûter à l’autonomie», ajoute la férue de montagne.
C’est donc ensemble, ce jeudi matin, que le duo va s’élancer depuis la cinquième station Subaru Line, à 2400 mètres d’altitude, pour viser le point culminant à 3776 mètres. «L’ascension commence à 11 heures le 3 juillet, et se termine à 8 heures du matin le 4. Nous allons faire une pause pour dormir dans un refuge», raconte Claudio Alessi. Le retour, prévu vendredi, s’avère plus laborieux. «La descente est beaucoup plus compliquée que la montée. Avec les prothèses, le centre de gravité pousse vers le bas. C’est là que nous allons être hypervigilant, explique le sportif, fin connaisseur du pays. On est dans une expérimentation à tous les niveaux. C’est la première fois qu’une personne quadri amputée fait le mont Fuji.»
«Cette ascension signe la phase numéro un de ma reconstruction», livre de son côté Lucie Retail. «Je suis contente d’avoir un événement qui ferme une période difficile. Je ne cherche pas à nettoyer mon passé, mais cela vient clore un chapitre et me fait du bien». Outre le documentaire dédié à ce challenge qui sortira en septembre, l’habitante de Blain, au nord de Nantes, est impliquée dans de nombreux projets. Après avoir témoigné lors de la cérémonie des Jeux paralympiques à Paris, elle prépare aussi un spectacle de danse avec la compagnie DK Bell et un livre pour le début de l’année prochaine.