Indignation après l’abattage d’un arbre planté en hommage à Ilan Halimi

De l’olivier planté dans le jardin communal d’Alcobendas, à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), il ne reste plus qu’un tronc de quelques dizaines de centimètres de haut. Le reste de l’arbre, mis en terre en hommage à Ilan Halimi il y a presque quinze ans, gît à proximité de la plaque commémorative. « Aucune autre dégradation n’a été constatée » sur ce lieu, situé au-dessus des berges de la Seine, tout près de l’hôtel de ville, indique une source policière.

La scène a été découverte jeudi matin, à 9 heures, par des agents de l’établissement public territorial Plaine Commune, dont Épinay-sur-Seine fait partie. Immédiatement, Hervé Chevreau, le maire sans étiquette de cette ville d’un peu plus de 50.000 habitants, a porté plainte pour dégradation de bien public. Pour l’édile, il ne fait aucun doute que cet acte de vandalisme revêt un caractère antisémite.

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L’olivier, symbole de paix et d’espoir, avait été planté en 2011 pour rendre hommage à Ilan Halimi, jeune Français juif de 23 ans, ciblé parce qu’il était « juif, donc riche », selon les préjugés antisémites de Youssouf Fofana et de son « gang des barbares ». Il avait été séquestré et torturé pendant 24 jours en janvier 2006 dans une cité de Bagneux (Hauts-de-Seine) par une vingtaine de tortionnaires qui comptait obtenir une rançon. Découvert un peu moins d’un mois plus tard nu, bâillonné et menotté au bord d’une voie ferrée de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne, où l’avaient abandonné ses bourreaux après l’avoir poignardé et brûlé à l’essence, le jeune homme était mort pendant son transfert à l’hôpital. Présenté comme le « cerveau » de ce meurtre antisémite, Youssouf Fofana a été condamné en juillet 2009 à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté.

«C’est le tuer une deuxième fois»

À l’époque, le calvaire d’Ilan Halimi avait suscité une vive émotion dans toute la France. Près de vingt ans plus tard, l’abattage de cet arbre, planté pour lui rendre hommage, résonne comme une volonté de « le tuer une deuxième fois », a réagi le chef de l’État, Emmanuel Macron, sur X. Le parquet de Bobigny a ouvert une enquête pour « destruction de bien destiné à l’utilité ou la décoration publique », confiée à la sûreté territoriale du 93, pour faire la lumière sur cette profanation qui a eu lieu vers 2 heures du matin. À cette heure-là, la présence de témoins oculaires est peu probable. Des voisins ou des passants auraient-ils pu entendre le bruit d’une tronçonneuse ? Aucun outil n’a été retrouvé près de l’arbre abattu, indique le parquet. « Le parc est dépourvu de caméra de surveillance, mais le parking situé à proximité immédiate en compte trois », précise une source policière. Selon nos informations, les images enregistrées ont déjà pu être consultées par un officier de police judiciaire. « Au milieu de la nuit, on aperçoit une silhouette avec un sac escalader les grilles, mais le lieu est très végétalisé, très boisé, l’identification formelle pourrait être compliquée », a commenté le maire, contacté par nos confrères du Parisien,  qui ont révélé l’affaire.

En attendant les suites de l’enquête pour identifier l’auteur et connaître les raisons qui l’ont poussé à commettre cet acte de vandalisme, le président de Plaine Commune, Mathieu Hanotin, s’est « d’ores et déjà engagé à ce qu’un nouvel arbre commémoratif soit replanté dans les meilleurs délais ». La ville de Sainte-Geneviève-des-Bois, où Ilan Halimi avait été retrouvé agonisant, en avait fait de même après que deux arbres plantés en sa mémoire, dont l’un portait sa photo, avaient été vandalisés et sciés le 11 février 2019.

L’arbre pour Ilan Halimi, vivant rempart contre l’oubli, a été fauché par la haine antisémite

François Bayrou, premier ministre

Les réactions politiques n’ont pas tardé à affluer pour dénoncer l’abattage de l’arbre d’Épinay-sur-Seine, alors que la haine antisémite a explosé en France depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023. « La nation n’oubliera pas cet enfant de France mort parce que juif. Tous les moyens sont déployés pour punir cet acte de haine. Face à l’antisémitisme : la République, toujours intransigeante », a affirmé Emmanuel Macron sur X. « L’arbre pour Ilan Halimi, vivant rempart contre l’oubli, a été fauché par la haine antisémite, a accusé le premier ministre, François Bayrou. Nul crime ne peut déraciner la mémoire. La lutte jamais achevée contre le mortel poison de la haine est notre devoir premier. »

Une condamnation unanime

La ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a regretté l’abattage d’un « symbole d’espoir face à la barbarie ». « Le détruire est un acte infâme de haine et d’antisémitisme d’une lâcheté absolue. Nous sommes face à un affront à notre mémoire collective et aux valeurs de la République. Les auteurs devront répondre de leurs actes. » Le président de l’UDR, Éric Ciotti, a de son côté fustigé « un abominable symbole de l’explosion de l’antisémitisme dans notre pays autant qu’une infâme attaque contre la mémoire du martyr d’Ilan Halimi ».

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À gauche, l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, coprésident de Place publique, a rendu hommage à « Ilan Halimi, victime perpétuelle des barbares », « pourchassé désormais par-delà la mort ». « Paix à son âme et lutte sans relâche contre les ordures antisémites, ceux qui les excusent et leur pavent la voie », a-t-il asséné. Quant à Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, il a déclaré : « Honte au profanateur antisémite qui a dû penser que cet acte était d’un courage infini… »

C’est émouvant que l’État, la mairie, les citoyens se mobilisent pour dire que ce n’est pas juste un arbre qui a été coupé, c’est une espérance qu’on a cherché à saboter

Haïm Korsia, grand rabbin de France

Présent à Épinay-sur-Seine après la découverte de l’olivier tronçonné, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a dit trouver « émouvant que l’État, la mairie, les citoyens se mobilisent pour dire que ce n’est pas juste un arbre qui a été coupé, c’est une espérance qu’on a cherché à saboter ». Il a ensuite prié avec d’autres membres de la communauté juive devant la stèle en hommage à Ilan Halimi.

Quelque 504 actes antisémites ont été relevés en France entre janvier et mai 2025, soit une augmentation de 134 % par rapport à la même période deux ans plus tôt, selon des chiffres diffusés début juillet par le ministère de l’Intérieur. Malgré une baisse de 24 % par rapport à 2024, le niveau reste « très élevé ».