« Nous n’attendons rien du gouvernement actuel pour revenir à la démocratie » : forte mobilisation devant le Conseil de l’Europe pour la libération du maire d’Istanbul

L’arrestation puis l’incarcération du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, va-t-elle être la goutte d’eau servant à rassembler tous les opposants au régime d’Erdogan, trois ans avant les élections présidentielles ? Beaucoup, parmi les manifestants réunis à la matinée du jeudi 27 mars devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg, veulent le croire, et affirment vouloir tout faire pour y parvenir.

« Nous sommes là pour faire entendre la voix de toutes les personnes qui sont derrière les barreaux, parce qu’ils sont démocrates, Kurdes, députés, maires, académiciens, juristes, journalistes, qui proclament juste la démocratie, la laïcité et le vivre-ensemble », explique Brice Burak Özkuzucu, l’organisateur du rassemblement à l’appel du CHP, le parti social-démocrate kémaliste de Turquie, principal opposant, avec le parti kurde DEM, au régime d’Erdogan.

« Il n’ya tout simplement plus de droit »

L’incarcération du maire d’Istanbul fait suite à une série noire de 13 maires de grandes villes turques déjà destitués et remplacés par des fonctionnaires à la solde du régime d’Erdogan, le dernier en date étant Abdullah Zeydan, le maire de Van, ville de plus d’un million d’habitants, qui avait été élu il y a un an avec plus de 55 % des voix.

« Ekhlem est aujourd’hui une célébrité de la vie politique en Turquie, mais avant lui, de nombreux maires ont été incarcérés parce qu’aujourd’hui en Turquie, il n’y a tout simplement plus de droit, et nous n’attendons rien du gouvernement actuel pour revenir à la démocratie », confirme Gunes Tehlivan, qui depuis 14 ans, est avocate spécialisée dans les questions politiques, et conseillère municipale de la ville de Canakkale en Turquie.

Si l’on excepte quelques complices d’Erdogan, les députés du Congrès des autorités locales et régionales réunis au Conseil de l’Europe, ont été unanimes, pour dénoncer la situation exceptionnelle que traverse la Turquie suite aux destitutions des maires. « Des millions d’électeurs sont privés de leurs représentants. C’est un assaut contre la démocratie ! », s’est insurgé le rapporteur du Congrès, David Eray (Suisse).

« Il en va de la démocratie locale en Turquie. Les élus ne devraient pouvoir être révoqués que par leurs électeurs. Ekrem Imamoglu n’est pas seulement le maire d’Istanbul. Il incarne le combat pour la démocratie », estime le député turc Zana Gumus (socialiste) qui rappelle qu’avant son incarcération, le maire d’Istanbul avait été déchu de ses diplômes universitaires pour l’empêcher de se présenter comme candidat à la présidence de la république qui aura lieu en 2028. Son parti vient cependant de confirmer sa candidature à la présidence à l’issue d’un vote à la primaire du CHP où Ekrem Imamoglou a été désigné par 8 millions d’électeurs.

Manifestations interdites

L’incarcération du maire d’Istanbul qui a provoqué une vague de manifestations immédiates est sans équivalent depuis 2013, selon les responsables du CHP, dont la mobilisation des étudiants a été le fer de lance. L’arrestation de Berkay Askin, le jeune étudiant de 22 ans qui avait brandi une pancarte réclamant que les étudiant puissent juste vivre et étudier librement – son slogan « Tout sera merveilleux » est devenu viral sur les réseaux sociaux – a agi comme un nouveau catalyseur des mobilisations.

« Dès le premier jour de l’arrestation du maire, nous étions 150 000 à 200 000 devant la mairie d’Istanbul, j’y étais dès le premier jour. Le deuxième jour, nous étions 500 à 600 000, et le troisième jour, nous étions plus de 2 millions, bien que les routes soient bloquées et que les transports en commun soient interdits », témoigne Brice Burak Özkuzucu. Mardi, devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg, les jeunes constituaient également le plus gros bataillon des manifestants.

Dans la déclaration finale votée à une très large majorité, le Congrès du Conseil de l’Europe, a rappelé que depuis 2016, près de 150 maires ont déjà été destitués et que « des millions de personnes se sont vues refuser une voixe démocratique en Turquie », dénonçant le fait qu’en emprisonnant le maire d’Istanbul « plus de 16 millions de citoyens de la plus grande municipalité d’Europe sont désormais dirigés par un administrateur non élu ».

Le Conseil de l’Europe exige également la levée des interdictions de manifester, et la libération des 1 400 manifestants actuellement sous les verrous. « Nous appelons le gouvernement français et les dirigeants européens à se mobiliser contre la dérive autoritaire du régime turc et nous exigeons la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et de tous les manifestants emprisonnés », a déclaré devant les manifestants de Strasbourg Yasmina Chadli, en tant que représentante du PCF, dénonçant « le régime autoritaire et fasciste de Recep Tayyip Erdogan ». « Aujourd’hui le peuple s’est réveillé, il s’unit de plus en plus, et nous n’allons pas lâcher l’affaire », assure Brice Burak Özkuzucu, militant du CHP.

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