Des officiers britanniques capturés par la Russie en Ukraine ? Une intox publiée dans au moins 13 pays
Le fait d’armes serait "la première preuve concrète que l’Otan elle-même mène activement une guerre contre la Russie", estime le 3 août reseauinternational[.]net, un site d’informations régulièrement épinglé pour avoir diffusé de la désinformation. Lors d’un raid mené dans la ville d’Ohakiv dans le sud de l’Ukraine contre un centre de commandement ukrainien, les forces spéciales de la Fédération de Russie auraient capturé deux officiers britanniques, le colonel Richard Carroll et le colonel Edward Blake, ainsi qu’un agent non identifié du MI-6 (les services de renseignement britanniques).
Selon Eurasia Daily, une agence d’information russe qui relaie fréquemment les éléments de langage de la propagande du Kremlin, les officiers auraient été capturés en tenue militaire avec des documents militaires secrets ainsi que des passeports diplomatiques. Le média publie pour preuve une photographie de la scène qui a été également abondamment partagée sur les réseaux sociaux. Après avoir nié leur capture, puis déclaré que les militaires étaient en fait des "touristes", le gouvernement britannique aurait tenté de négocier leur libération par un échange de prisonniers, ce que la Russie aurait refusé.

Des photographies preuves générées par IA
Cependant, les preuves censées prouver la capture des présumés officiers sont factices. Sur la photo qui montrerait leur arrestation, les inscriptions figurant sur les passeports des prisonniers sont rédigées avec des caractères illisibles, ce qui constitue un indice d’une génération de l’image par IA. L’écusson présent sur la couverture des passeports est également incohérent et ne ressemble pas à celui figurant sur les passeports authentiques.

Une autre photo circulant sur les réseaux sociaux prétend montrer les officiers en prison. Elle est tout aussi factice et générée par IA. En premier lieu, les militaires qui y apparaissent ne ressemblent pas physiquement aux officiers arrêtés sur la première image. Ensuite, les grades représentés sur leurs épaulettes sont incohérents. Dans l’armée britannique, le grade de colonel est représenté par des galons composés de deux étoiles surmontées d’une couronne. Dans la photographie, les galons affichés ne comprennent pas la couronne réglementaire. Un des militaires porte d’ailleurs des galons de sergent, ce qui n’a aucun sens pour un colonel.

Enfin, on ne retrouve aucune communication officielle du gouvernement britannique, ni de publications dans les médias traditionnels anglais, à propos de la capture d’officiers de l’armée britannique par la Russie.
Une intox diffusée dans au moins 13 pays
Quelle est l’origine de cette désinformation ?
La fausse nouvelle a été relayée en français par pravda-fr, un site épinglé pour son appartenance au réseau de désinformation russe Portal Kombat par Viginum, l’organisme gouvernemental français chargé de lutter contre les ingérences numériques.
Cette désinformation a été également amplifiée par l’agence de presse russe Tass, qui reprend le 6 août la nouvelle de la capture des militaires britanniques. Dans une dépêche en russe, l’agence indique que l’information vient de Steigan, un site d'actualité norvégien complotiste et prorusse. Le média norvégien avait pourtant supprimé depuis le 4 août son article à propos de la capture des officiers britanniques, indiquant que l'information avait été "insuffisamment vérifiée".
Steigan précise que la source de son article était le Hal Turner Radio Show, une émission radio basée aux États-Unis. Le média est géré par Harold Charles "Hal" Turner, un commentateur politique américain qui affiche des positions prorusses et antisémites.
La diffusion de la fausse nouvelle de la capture des soldats britanniques a ainsi suivi plusieurs circuits qui se sont mutuellement nourris : les médias affiliés à la Russie comme Pravda, Tass ou Eurasia Daily ; la "russosphère" à l’étranger, composée de sites aux positions favorables au Kremlin, comme peut l’être en France reseauinternational[.]net . Cette désinformation a été aussi reprise par des médias plus classiques : le 5 août, AL24, une chaîne de télévision algérienne, consacre un débat de 24 minutes à la supposée capture des soldats.
Au final, la rédaction des Observateurs de France 24 a constaté que l’intox de la capture des officiers de l’armée britannique a été diffusée dans au moins 13 pays, notamment en Serbie et en Hongrie, mais aussi au Pakistan ou au Vietnam.