Vladimir Poutine exerçait une emprise presque hypnotique sur Donald Trump, selon son ancien conseiller à la Sécurité nationale
«Poutine, un ancien agent impitoyable du KGB, a joué avec l’ego et les failles de Trump en le flattant», écrit Herbert Raymond McMaster (dit HR McMaster), ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump entre 2016 et 2017. L’homme de 62 ans, ancien lieutenant général de l’armée américaine, a écrit un nouvel ouvrage qui paraîtra la semaine prochaine chez HarperCollins. “At war with ourselves : My tour of duty in the Trump White House” (En guerre contre nous-même : mon tour de service à la Maison-Blanche de Trump) relate ses 457 jours en tant que conseiller du 45e président américain, avant que celui-ci le renvoie publiquement via X, ancien Twitter.
Le quotidien britannique The Guardian a pu se procurer une copie de ses mémoires, et détaille les faits marquants énoncés par HR McMaster dans ce bilan hardi de ses jours à la Maison-Blanche, de février 2017 à avril 2018. Ce dernier insiste sur le fait qu'il est resté apolitique tout au long de son service, ne veillant qu'aux intérêts des États-Unis. Il précise avoir écrit son livre pour «dépasser l'hyper-partisannerie, et expliquer ce qui s'est réellement passé».
Une emprise presque hypnotique
Pour HR McMaster, Vladimir Poutine a exploité «l'ego et les failles» de Donald Trump, et exerçait une emprise presque hypnotique sur l'ancien président américain. Il aurait, tout au long du mandat de son ancien conseiller à la sécurité nationale, refusé d'écouter toute opinion négative de la part de son propre personnel sur le dirigeant russe, et a même fini par licencier HR McMaster à ce propos. «Après plus d'un an à ce poste, je ne peux pas comprendre l'emprise de Poutine sur Trump», se remémore l’ancien conseiller.
Il ajoute que Vladimir Poutine avait décrit Donald Trump comme «une personne exceptionnelle, talentueuse, sans aucun doute», incitant le 45e président américain a révélé sa vulnérabilité, tout en exaltant son affinité pour les hommes forts et sa conviction qu'il était le seul à pouvoir forger de bonnes relations avec le président russe.
En réalité, selon HR McMaster, les simagrées apparentes de Vladimir Poutine à l'égard de Donald Trump étaient un effort calculé du dirigeant russe pour exploiter les faiblesses du président américain, et creuser un fossé entre lui et les conseillers de la Maison-Blanche qui exhortaient les États-Unis à adopter une ligne plus dure à l'égard de la Russie. «Le fait que la plupart des experts en politique étrangère à Washington préconisaient une approche sévère à l'égard du Kremlin ne semblait que pousser le président à adopter l'approche inverse».
Plusieurs affaires conflictuelles
HR McMaster décrit également comment Donald Trump est devenu obsédé par le rapport Mueller sur l'ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016. Cette obsession était telle que «les discussions sur Poutine et la Russie étaient difficiles à avoir» avec le président, raconte l’ancien conseiller. Il rappelle également qu’à une conférence sur la sécurité en février 2018 à Munich, au cours de laquelle il avait fait remarquer que le procureur spécial Robert Mueller avait inculpé plus d'une douzaine d'agents russes pour ingérence électorale, Donald Trump avait tweeté une réponse sarcastique. Le général (HR McMaster) avait selon lui «échoué» à souligner que le résultat de l'élection n'avait pas été modifié ou affecté par les efforts de la Russie.
Lors d'un sommet tenu en juillet 2017 à Hambourg, célèbre après que la presse a décrit une «bromance naissante» entre les dirigeants américain et russe, HR McMaster se souvient d’un autre épisode conflictuel au sujet de la Russie. «Mon message de base lors de la dernière réunion de préparation au centre des congrès de la Foire de Hambourg était “ne soyez pas un imbécile”». Il se rappelle avoir dit à Donald Trump ce que Vladimir Poutine voulait, soit que les États-Unis abandonnent l'Ukraine et retirent leurs forces de Syrie et d'Afghanistan, ce que le 45e président américain a ordonné par la suite.
Point de rupture avec l’affaire Sergueï Skripal
Mais le point de rupture entre les deux hommes date de l'empoisonnement au Royaume-Uni par des agents de Vladimir Poutine de Sergueï Skripal, un ancien officier des services de renseignement russes, et de sa fille, en mars 2018. Alors que d'autres dirigeants occidentaux commençaient à formuler une réponse forte à la tentative d'assassinat, Donald Trump s'extasiait devant un article du New York Post titré : «Poutine fait l'éloge de Trump et fustige la politique américaine», rapporte l’ancien conseiller.
Donald Trump aurait alors écrit une note d'appréciation sur l'article, et demandé à HR McMaster «d'envoyer la coupure de presse à Poutine». «J'étais certain que Poutine (l’) utiliserait pour l'embarrasser et couvrir l'attaque», se rappelle HR McMaster, qui déclare avoir remis la note au bureau du secrétaire général de la Maison-Blanche. «Plus tard, lorsque les preuves se sont accumulées que le Kremlin, et très probablement Poutine lui-même, avait ordonné l'attaque à l'agent neurotoxique contre Skripal, je leur ai dit de ne pas l'envoyer».
«Trump s'est montré affable»
Malgré les relations tendues avec l’ancien président, décrites dans son livre et les critiques qui y figurent, HR McMaster n'a jamais rejoint les rangs d'autres fonctionnaires de l’administration Trump qui l’ont critiqué dès qu’ils ont eu quitté leurs fonctions.
Il raconte d'ailleurs que des membres de sa famille l'ont rejoint dans son bureau pour son dernier jour, en avril 2018, et que le vice-président de l'époque, Mike Pence, leur a demandé de passer brièvement dans le célèbre bureau ovale. «Trump s'est montré affable», précise HR McMaster. «(Il) a pointé du doigt mes quatre nièces et neveux : “Votre oncle est un type formidable, très dur, et il a fait un travail fantastique pour moi. Assurez-vous qu'il n'écrive que des choses gentilles à mon sujet”». Reste à savoir si Donald Trump sera, après la lecture de l'ouvrage, de cet avis.