«Bars lugubres, salons de massage... luttons vraiment contre l’économie de la mafia à Paris !»
Conseiller de Paris et membre d’Horizons, Pierre-Yves Bournazel fut député entre 2017 et 2022.
Il suffit de se promener dans certains quartiers de Paris pour les remarquer. Ces commerces ont pignon sur rue, mais sont toujours déserts. Dans le nord-est de la capitale, comme à Barbès ou à Marx Dormoy, ils se succèdent : restaurants ou bars lugubres, salons de massage aux luminaires évocateurs, magasins de réparation de téléphones…Tout laisse à penser que ces boutiques sont au bord de la faillite. Pourtant, elles prospèrent. Aux quatre coins de Paris, certains de ces commerces de proximité tombent entre les mains de réseaux mafieux. Derrière ces vitrines opaques, des établissements aux pratiques illégales s’installent. Ces établissements, souvent financés par des fonds d’origine criminelle, et les autorités n’arrivent pas à intervenir avec efficacité, faute de dispositifs juridiques adaptés.
Certains de ces commerces deviennent des plaques tournantes pour des activités illicites ou constituent de parfaits alibis pour blanchir des sommes d’argent conséquentes
Pierre-Yves Bournazel
Le mode opératoire semble bien établi. Les pas-de-porte sont rachetés à prix d’or par des réseaux criminels, qui harcèlent les commerçants en place, leur proposant des sommes non déclarées pour récupérer leurs baux. Une fois installés, ces établissements opèrent en toute discrétion sous couvert de restaurants ou de boutiques de services. Grâce à des gérants de paille renouvelés chaque année, ils échappent aux contrôles. Certains deviennent, au bout de quelques années, des plaques tournantes pour des activités illicites ou constituent de parfaits alibis pour blanchir des sommes d’argent conséquentes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon l’Observatoire français des drogues, le trafic de stupéfiants rapporterait chaque année près de 3 milliards d’euros aux narcotrafiquants.
À ces activités criminelles s’ajoute très souvent l’exploitation de personnes vulnérables. Des cuisines aux arrière-boutiques, les conditions de travail sont indignes. Dans certains cas, des femmes prises dans des réseaux de prostitution sont victimes d’esclavage sexuel. Nombreuses sont les associations ou les collectifs d’habitants qui constatent et dénoncent la prolifération de ces établissements utilisés pour la pratique de passes. Face à ces atteintes manifestes aux droits humains, à la multiplication des trafics illicites et à cette déconstruction du paysage commercial, les Parisiens assistent, impuissants, à l’implantation de commerces illégaux qui ne répondent en rien à leurs besoins, alimentent l’insécurité, génèrent des nuisances et dégradent largement leur cadre de vie.
Les récentes annonces du gouvernement à ce sujet vont dans le bon sens. La multiplication des contrôles fiscaux pour débusquer les dealers qui se cachent derrière ces endroits est une priorité ainsi que leur fermeture administrative qui sera facilitée pour les préfets. Mais il faut aller plus loin : renforcer les effectifs d’enquêteurs de police, étendre au maire de Paris le pouvoir de fermeture administrative et donner aux édiles la maîtrise des autorisations d’ouverture de commerces.
Sans attendre une évolution législative, la Ville de Paris à la possibilité d’agir. Les outils contre la monoactivité ou les nuisances sonores peuvent être utilisés pour mettre à mal l’économie mafieuse. La Ville de Paris doit se doter d’une stratégie pluriannuelle massive de préemption des fonds de commerce et baux commerciaux comme le lui permet le code de l’urbanisme. Nous devons frapper les mafias au porte-monnaie et tarir la source de leur argent blanchi. La municipalité doit cibler certains quartiers en priorité. Comme je le demande depuis 2020, j’appelle de nouveau à la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour le nord-est de Paris, largement touché par le phénomène. La Ville aurait les moyens financiers de réaliser un plan d’investissement massif si elle réorientait sa politique de préemption de logement vers celle de commerce pour dynamiser et sécuriser certains quartiers.
La municipalité doit également renforcer les contrôles des locaux commerciaux appartenant aux bailleurs sociaux afin de s’assurer qu’elle ne participe en aucun cas à la prolifération de ces vitrines mafieuses et par extension à des opérations de blanchiment. Ce combat contre les mafias se gagnera par K.O ou ne se gagnera pas. Paris ne peut pas rester un terrain de jeu pour les réseaux criminels qui exploitent, blanchissent ou prospèrent sur l’illégalité. Face à la prolifération de l’inacceptable, notre riposte ne peut qu’être implacable.