« Personne ne devrait entrer » : des experts alertent sur le risque d’effondrement de Sainte-Sophie

« Personne ne devrait entrer » : des experts alertent sur le risque d’effondrement de Sainte-Sophie

Chaque année, Sainte Sophie accueille deux millions de visiteurs et aussi de nombreux croyants. En 2020, l’ex-basilique est redevenue une mosquée. YASIN AKGUL / AFP

Malgré les travaux en cours sur le dôme de Sainte-Sophie à Istanbul, des chercheurs turcs alertent sur l’état très préoccupant des fondations du monument. Selon l’universitaire Ilber Ortayli, l’ancienne basilique dispose « d’un sol creux » et a besoin d’une «restauration sérieuse ».

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Monument emblématique de l’histoire de Byzance, de Constantinople et de la Turquie, l’ancienne basilique Sainte-Sophie (redevenue depuis 2020, une mosquée) d’Istanbul, suscite des inquiétudes. Malgré une importante phase de restauration lancée sur son dôme en avril 2025, quelques chercheurs turcs alertent sur la fragilité de ses fondations révèle le journal Cumhuriyet . Dans un entretien accordé le 25 juin au quotidien, l’universitaire Ilber Ortayli a tiré la sonnette d’alarme : « Personne ne devrait entrer à Sainte-Sophie. Si la fréquentation continue à ce rythme ce bâtiment historique vieux de 1 500 ans, risque vraiment de s’effondrer. Pourquoi ? Parce que son sol est creux, comporte des couloirs et nécessite une restauration sérieuse. Seuls des experts devraient avoir le droit d’y accéder [...] Si la situation perdure et que le monument est endommagé voire que les fondations rompent, notre pays pourrait être considéré comme le responsable».

Pour le chercheur, les fidèles musulmans et les deux millions de visiteurs annuels aggravent la dégradation des structures de Sainte Sophie : « Aucune restauration sérieuse n’a été effectuée depuis le XVIe siècle, c’est-à-dire depuis les travaux de l’architecte Mimar Sinan. Celui-ci l’a renforcé en y ajoutant des piliers. Mais aujourd’hui, plus personne ne devrait la fréquenter, ni les musulmans, ni les chrétiens [...] Les restaurations réalisées précédemment n’ont pas été faites dans le bon cadre, c’est un lieu à préserver précieusement.» 

Veiller sur Sainte Sophie comme « sur une personne âgée »

Aujourd’hui, l’édifice est aussi fragilisé par la vétusté de son réseau de passages souterrains. Ces tunnels et ces voûtes interconnectés s’étendent sur près d’un kilomètre de long. Les archéologues turcs précisent qu’ils servaient jadis, c’est-à-dire il y a au moins quinze siècles, à la ventilation, au stockage et à des rites funéraires. Le réseau est particulièrement sensible aux vibrations et aux tremblements de terre. Récemment, un séisme de magnitude 6,5 a frappé la ville et provoqué la fermeture temporaire de Sainte-Sophie : « Ils ont rapidement fermé les portes et n’ont laissé entrer personne, car tout le monde sait que le bâtiment a besoin de réparations importantes », raconte un guide touristique au journal turc.

Pour ne pas encore aggraver la situation, l’archéologue Nezih Basgelen exige maintenant une surveillance permanente du site historique : « Il est important de disposer d’un système plus performant capable de contrôler chaque partie de Sainte-Sophie, à l’intérieur comme à l’extérieur, 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. [...] Il est essentiel que Sainte-Sophie, telle une personne âgée, soit constamment suivie par les meilleurs experts afin de livrer bientôt un parfait diagnostic de restauration». 

Basilique sous l’empire byzantin, mosquée durant l’ère ottomane, musée à la demande d’Atatürk : du haut de ses 55 mètres, Sainte-Sophie a traversé les siècles et réunit à elle seule un héritage multiculturel. Les experts turcs espèrent réveiller les consciences et préserver ce chef-d’œuvre architectural avant qu’il ne disparaisse.