«Je cherche des mortiers», «y a-t-il un groupe pour les black blocs ?» : à la veille du 10 septembre, les boucles Telegram en ébullition

«Bonjour, excusez-moi mais je comprends rien, elle est où la manifestation demain ? » ; «Demain, rendez-vous devant les lieux de pouvoir, on va leur montrer que les sans-dents existe [sic] !!» ; «Je cherche des mortiers vous savez où je pourrais en trouver ?» Voilà quelques-uns des milliers de messages, aussi nombreux que disparates, qui déferlent à chaque instant sur les centaines de boucles Telegram «Bloquons Tout», dédiées à l’organisation du 10 septembre.

Lancé sur les réseaux sociaux, sans leader, et en dehors des circuits de mobilisation traditionnels, cet appel à «tout bloquer», relayé massivement, peine à être appréhendé avec certitude. À quel point sera-t-il suivi ? Faut-il s’attendre à des actes de violence ?

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«Il s’agit davantage d’un appel général, sans réel organisateur», a concédé le préfet de Paris Laurent Nunez au micro de BFMTV ce mardi. «Il y a des réunions partout, chacun y va de son idée […] C’est un mouvement horizontal, il n’y a pas un chef, chacun fait ce qu’il veut», a également précisé à ce sujet une source sécuritaire à l’AFP. Selon les estimations des services de renseignements français, près 100 000 participants sont attendus sur le territoire.

«Blocages» et «sabotages»

Sur les messageries cryptées et Signal, les groupes de conversation relayent depuis plusieurs jours une carte participative, accessible à tous, qui dévoile les points de blocage. En Île-de-France par exemple, les portes de Pantin, de Bagnolet et de la Chapelle sont supposées être la cible de blocages le 10 septembre dès 7 heures du matin. Le marché de Rungis, qui alimente les professionnels de toute la région Île-de-France, est également ciblé. Certains internautes ont également épinglé sur la carte l’Élysée et l’Assemblée nationale, qu’ils comptent «prendre» dans le courant du 10 septembre. Les quartiers des Halles et de République doivent accueillir des manifestations dès 13 heures. Sont également proposés des blocages de points de pétrole, comme le dépôt Total, à Mantes-la-Jolie ou la raffinerie du Midi, à Coignières (Yvelines).

Cette carte interactive propose une actualisation en temps réel des points de blocage et de manifestation. Catpure d’écran / Carte des actions et organisation du 10 septembre

La mise en route de ces points de blocage reste très incertaine ; sur les messageries cryptées, les internautes restent méfiants quant aux «flics et aux indics» qui pourraient se trouver sur les boucles d’échange. «Ces sal***ds de poulet s’infiltrent sur la conv, parlez-vous plutôt en direct», conseille l’un. Un autre envoie une liste d’avocates «spécialistes pour vous faire sortir de gav si vous vous battez avec les flics».

Au micro de BFMTV ce mardi, le préfet de police de Paris a évoqué «un certain nombre de craintes (...) concernant des actions violentes», comme des «blocages» et des «sabotages». À la sortie d’une réunion avec ses préfets, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a renchéri en mentionnant des «zones géographiques qui sont des foyers de contestation de l’ultragauche», sans détailler les territoires en question.

Ces contestations se voient corroborées par les échanges explosifs sur les messageries cryptées entre les partisans de manifestations non-violentes et ceux qui souhaitent répliquer face aux forces de l’ordre. «Si la police est violente alors on doit répondre avec force et indignation !!» s’agace l’un, quand un autre fait part de ses espoirs : «J’espère que ça va muscler un peu et qu’on ne va pas se laisser désunir comme avec les gilets jaunes». «Plus le temps de philosopher les copains, la violence est nécessaire à la lutte, on les aura», ponctue, vindicatif, un troisième.

Sur les messageries cryptées, certains internautes cherchent à organiser des actions violentes. Capture d’écran / Boucle Telegram
De nombreux membres cherchent à se procurer des mortiers d’artifice et des fumigènes. Capture d’écran / Boucle Telegram
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Les lieux d’enseignement sont également visés. L’Union syndicale lycéenne et l’UNEF ont lancé un appel à bloquer les établissements scolaires et universitaires. Mais les universités, encore désertes en ce début de septembre, seront sans doute épargnées par ces paralysies. La direction de Sciences Po a annoncé en début de semaine que ses sites à Paris et en Île-de-France seront fermés, et les cours seront assurés à distance. Dans le Val-de-Marne, le personnel de l’Éducation nationale a annoncé une grève à partir du 10 septembre. «Jusqu’à vendredi au moins svp ! On ne lâche rien» , commente un internaute dans l’interface de la carte interactive indiquant cette grève.

«Action sous toutes ses formes possibles»

Concernant les transports franciliens, le syndicat La Base, majoritaire chez les conducteurs de RER, appelle «à l’action sous toutes les formes possibles». Le groupe invite «les agents à se rassembler et à décider des formes d’actions à entreprendre». Sur les boucles de messagerie cryptées, certains membres bien renseignés enseignent à d’autres les techniques pour bloquer la circulation. «Quand vous êtes dans les stations de métro, vous descendez l’escalier qui mène sur les voies au bout du quai, et vous tirez sur une tirette en métal (...) L’électricité est coupé pendant des heures entière [sic] », instruit ainsi l’utilisateur Claude Whipple. Son message a récolté des centaines de réactions.

Cependant, les quatre syndicats majoritaires de la RATP (CGT, FO, Unsa Mobilité et CFE-CGC) appellent plutôt à «une journée de grève et de manifestation massive» le 18 septembre. Ces organisations représenteraient, selon leur communiqué, 90 % des agents de la RATP. Les aéroports ne seront pas épargnés : le syndicat Sud Aérien incite également à bloquer les plateformes. Sur les routes, des barrages pourraient être dressés, tandis que certains syndicats évoquent la possibilité de couper aussi les voies ferrées.

Péages et courses gratuits

En parallèle de ces manifestations, le 10 septembre devrait également voir émerger des manifestations moins traditionnelles. Sur les canaux Telegram, de nombreux internautes parlent de «forcer les supermarchés», en ne payant pas leurs courses. D’autres encore mentionnent des opérations «péages gratuits», en obligeant ces passages à laisser circuler gratuitement les automobilistes - sans que les péages visés par ces opérations ne soient cités. Des assemblées générales sont également prévues dès le soir du 10 septembre et dans les jours suivant. «C’est super important, il ne faut pas que la mobilisation retombe», pointe, plein d’espoir, un membre du canal «Bloquons tout / Matos pour s’organiser».