L’Europe face à l’ouragan Trump

Le retour fracassant de Donald Trump au pouvoir sème le désarroi dans l’Union européenne, car les plus lourdes menaces – économiques, politiques, stratégiques – viennent, cette fois-ci, de « nos alliés ». L’imposition générale des tarifs douaniers de 10 à 20 % sur l’ensemble des produits exportés d’Europe vers le marché américain risque, en effet, de se payer au prix fort, tant sur le plan social qu’en ce qui concerne l’économie, d’autant qu’elle est mal en point. La concurrence – déjà fortement exacerbée par Biden et sa cagnotte de 370 milliards de dollars destinée à attirer les entreprises du monde entier, à commencer par l’Europe – est appelée à se muer en guerre économique.

Dans le même temps, la situation politique de l’Europe sera durement impactée par l’effet Trump. L’ultra-populisme de ce dernier lui vaut le soutien spontané des dirigeants européens les plus réactionnaires sous la conduite de la cheffe du gouvernement italien, la « postfasciste » Giorgia Meloni, accentuant d’autant les fractures au sein de l’Europe. De son côté, le futur bras droit, sans foi ni loi, du nouveau président américain, Elon Musk, met son immense fortune, son réseau social X et son nouveau « statut », au service d’une campagne de promotion inédite des partis d’extrême droite dans les pays européens.

Et comme si toutes ces menées déstabilisatrices bien réelles ne suffisaient pas, certains voient déjà tout l’édifice stratégique des États de l’UE menacé par le supposé « lâchage » par Trump de l’Otan, voire son ralliement à Poutine. Des Cassandre annonçaient dès le lendemain de la victoire de Trump, outre une paix imposée à l’Ukraine aux conditions « maximalistes » du Kremlin, « le retrait des troupes américaines déployées en Europe », un manque à gagner de « 288 à 350 milliards de dollars par an » correspondant à l’actuelle « subvention américaine à la sécurité européenne », et même… « une guerre entre la Russie et l’Otan à un horizon d’environ cinq ans » ! (1) Et voilà que s’annoncent depuis Washington de nouveaux périls, hier encore inimaginables, avec les prétentions effarantes de Trump sur le Canada, le Groenland et le canal du Panama, « par la force » si nécessaire !

Comment l’Europe va-t-elle réagir face à cet ouragan prêt à déferler sur le monde ? La plupart des États membres étant incapables d’une vision du monde autre qu’atlantiste, il y a fort à parier qu’aucune idée neuve ne surgira pour répondre à ces enjeux inédits. Les premières réactions parlent d’elles-mêmes. Concernant les visées impérialistes de Trump, la cheffe de la diplomatie européenne fraîchement nommée, l’Estonnienne Kaja Kallas, au lieu de se montrer solidaire des pays visés, se dit « certaine » que les États-Unis respecteront la Charte des Nations unies… À propos de la sécurité européenne, l’actuel président (durant le premier semestre 2025) du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, table sur la militarisation accélérée de l’Europe (avec des armes américaines) sans aucun projet de conférence paneuropéenne de sécurité, pourtant indispensable. Quant aux futures relations économiques entre l’Europe et les États-Unis, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, plutôt que d’envisager d’ouvrir un dialogue avec l’autre grande victime désignée de Trump, la Chine, pour trouver un terrain d’entente, a proposé… de flatter Trump en augmentant les importations européennes de gaz naturel liquéfié américain ! Quo vadis, Europa ? (2)

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(1) Olivier Schmitt, professeur de science politique au Center for War Studies à l’université de Danemark du Sud ( « le Grand Continent », 18 novembre 2024)

(2) « Europe, où vas-tu ? »

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