«Cette décision est avant tout le reflet de nos valeurs : le Château des Pères a été fondé sur des principes d’ouverture, de respect et de partage.» C’est en ces termes que les propriétaires du château des Pères, Julien et Jean-Paul Legendre, ont annoncé par communiqué l’annulation des trois banquets organisé par le Canon français les 7, 8 et 9 novembre 2025 dans l’orangerie de leur château de Piré-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine). Tant pis pour les quelque 2000 personnes qui étaient attendues sur ces trois jours de festivités.
Une décision prise à la suite de «la polémique née de la pétition», précise le communiqué relayé par Ouest France . Cette pétition anonyme a été lancée le 6 octobre dernier sur internet et cumulait ce lundi matin près de 700 signatures. Dans le viseur des activistes qui se présentent comme les «habitants du territoire du pays de Vitré» et des communes avoisinantes, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin qui a racheté Le Canon français l’année dernière. Fondée en 2020, cette société apolitique organise des banquets conviviaux dans toute la France, souvent dans des «lieux d’exception», ambiance fromage vin rouge. Le «banquet breton» annonçait par exemple prévoir «plus d’1kg de nourriture par personne» sur son site, entre «charcuterie locale», «plateaux de fromage» et autres boissons locales.
Passer la publicitéL’objectif du milliardaire est «d’assurer une victoire idéologique et politique à l’extrême droite d’ici 2030», peut-on lire dans la pétition. «Leurs bérets et leurs foulards ne suffisent pas à étouffer les chants à la gloire de Bardella (député du RN) en fin de repas, à dissimuler leur racisme, leurs drapeaux royalistes, leurs saluts nazis et l’appétence pour la violence de certains participants à leurs réunions.» Le texte encourage donc à «agir», à «informer nos voisins», à «faire pression en signant», à «envoyer des courriers et e-mail» pour obtenir «l’annulation des banquets du Canon français». Il accuse surtout le groupe Legendre de servir de «tremplin à l’extrême droite en Bretagne» en accueillant cet événement.
Contre «l’extrême droite» dans la ruralité française
Les propriétaires du château, Julien et Jean-Paul Legendre, écrivent vouloir garantir «la sécurité» de leurs équipes et signalent que «plusieurs salariés ont été pris à partie par des personnes extérieures» ces derniers jours. «Il est hors de question de les exposer davantage à des risques liés à un climat devenu délétère», souligne le communiqué. Les Legendre disent regretter que les activistes «aient créé un climat d’agressivité» et affirment qu’il aurait été préférable de prendre «directement contact avec nous».
Si le communiqué du château des Pères critique la méthode employée par les militants, il reprend en revanche à son compte la diabolisation de Pierre-Édouard Stérin, connu pour son soutien à la cause conservatrice via divers investissements. Les propriétaires l’affirment, ils n’avaient pas connaissance du lien entre le Canon français et le milliardaire au moment de signer la location de l’orangerie à la société. «Si nous avions eu le moindre doute sur une dimension partisane ou idéologique, nous n’aurions évidemment pas accepté d’y associer le lieu», promettent-ils.
L’initiative a été relayée sur les réseaux sociaux par des groupuscules locaux d’extrême gauche, comme Nuage Rouge Cornouaille sur Mastodon. Pour le reste, difficile d’identifier avec précision ceux qui se cachent derrière cette pétition anonyme. Les auteurs renvoient vers une adresse mail «Campagnes en résistance» hébergée sur le domaine cryptée @proton. Ouvert en 2024, le site «Résistances locales», qui pousse à l’organisation d’actions contre «l’extrême droite» dans la ruralité française, renvoie lui aussi à une adresse mail @proton. Contactés via l’adresse mail laissée en bas du texte, les initiateurs de la pétition n’ont pas répondu au Figaro.
«On n’est pas un BDE, on est une entreprise»
De son côté, Géraud de la Tour, l’un des fondateurs du Canon français, ne décolère pas : jamais l’entreprise n’avait fait face à l’annulation d’un banquet après des pressions militantes. «Nous sommes scandalisés, c’est extrêmement grave», s’étrangle le jeune chef d’entreprise. «Comment un groupe talentueux comme Legendre peut-il se coucher sous la pression d’une petite association d’anonymes ? Ils leur donnent raison ! C’est d’autant plus scandaleux que c’est le groupe Legendre qui nous avait contactés pour organiser l’événement.»
Passer la publicitéLe fondateur de l’entreprise, surtout, l’assure : les banquets organisés par le canon français sont apolitiques. «C’est choquant pour nos clients qui viennent juste faire la fête de se voir politisés. Alors qu’à part danser sur “La Goffa Lolita”, je ne vois pas ce qu’on fait de mal.» Géraud de la Tour affirme aussi ne pas connaître Pierre-Édouard Stérin et ne l’avoir jamais rencontré. «On avait traité avec l’un de ses fonds quand il est entré au capital du Canon», explique-t-il. «On est jugé sur quelqu’un qui investit partout et pas sur ce qu’on fait nous !» Géraud de la Tour dit également en vouloir à la presse locale qui a relayé la pétition sans contacter le Canon français, avant même que le banquet soit annulé.
Pour le Canon français, l’annulation d’un tel événement représente «un manque à gagner de 200.000 euros de chiffre d’affaires», poursuit Géraud de la Tour. «Derrière nos banquets, il y a des emplois, on n’est pas un BDE qui fait des teufs, on est une entreprise avec 7 salariés, on fait travailler beaucoup de gens autour de nos événements, petits producteurs de fromage, artisans... Tous ces gens ont commandé des stocks qu’ils ne pourront pas écouler !» Le jeune homme l’affirme, le canon français «n’en restera pas là» et consultera bientôt ses avocats pour décider des suites à donner à la situation.