France-All Blacks : les coups de cœur et coups de griffe de nos envoyés spéciaux

COUPS DE CŒUR

Un triplé pour entrer dans l’histoire

Le XV de France a inscrit ce samedi une glorieuse page de son histoire. Un tour de force rare. Après avoir triomphé des All Blacks à l’automne 2021 puis en ouverture de la dernière Coupe du monde en France, les Bleus ont à nouveau terrassé - certes d’un rien - les «hommes en noir». «C’est fait, c’est écrit. On peut toujours dire ce qu’on veut, mais ils viennent trois fois et chutent trois fois. C’est une grande satisfaction. C’est bien de les prendre ces victoires-là», s’est logiquement félicité Fabien Galthié. Jusque-là, la France n’avait battu la Nouvelle-Zélande trois d’affilée qu’à une seule reprise dans son histoire : c’était lors de la tournée historique de 1994 au pays du Long nuage blanc où la troupe de Pierre Berbizier s’était imposée deux fois (avec notamment le fameux «essai du bout du monde»), puis en 1995 à Toulouse sous les ordres des nouveaux sélectionneurs, Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux. Fabien Galthié est donc devenu, au Stade de France, le premier sélectionneur français à signer un triplé face aux All Blacks. À chaque fois sur le sol français. Mais l’exploit est de taille. 

Bielle-Biarrey a déjà tout d’un grand

Serait-ce stupide de dire que le jeune ailier de l’Union Bordeaux-Bègles a des similitudes avec Christophe Dominici ? Peut-être pas. La fusée casquée et au gabarit modeste pour un trois-quarts moderne (1,84 m pour 79 kg) a réalisé une partition incroyable aux quatre coins du terrain. Une chose est sûre, le natif de La Tronche (Isère) a dû bien dormir samedi soir… Déjà intenable face au Japon, Bielle-Biarrey passait un vrai test face à ce qui se fait de mieux sur la planète ovale. Test plus que réussi. Marqueur à la 51e minute sur une longue course dont il a le secret, il aurait même pu planter une ou deux banderilles supplémentaires en fin de partie si les rebonds avaient été moins capricieux. Diable de ballon ovale… Ce qu’il faut aussi souligner chez ce jeune phénomène de seulement 21 ans, c’est sa capacité à répéter les efforts mais aussi et surtout à défendre, quitte à mettre son corps en opposition et se sacrifier. À l’image de ce grattage salvateur (72e) où il a été sévèrement déblayé. À son compteur, sept plaquages réussis sur sept tentés, quatre défenseurs battus, deux franchissements et un danger permanent sur des jeux au pied à suivre. Le Bordelo-Béglais - flashé à 37 km/h face à la Namibie lors de la Coupe du monde on le rappelle - est désormais incontournable.

Un Stade de France en fusion

Le nouveau cérémonial d’avant-match, tout feu tout flamme, avait galvanisé un public qui n’avait pas besoin de cela, tant il aspirait déjà à vibrer pour les Bleus d’Antoine Dupont. Les premiers frissons avaient parcouru les tribunes archipleines (80.000 spectateurs, dont le Premier ministre, Michel Barnier, et la star française des JO de Paris, le nageur Leon Marchand) quand le Kapa O’Pongo s’est retrouvé sublimé dans un savant jeu d’ombre et de lumière. Exécuté dans le respect avant les rugissements. Des Marseillaises comme s’il en pleuvait. Des encouragements incessants. Des cris d’effroi ou de rage. Des applaudissements à tout rompre pour ces Français héroïques qui ont plaqué à tour de bras 80 minutes durant. Il faisait 6 degrés au coup d’envoi mais l’ambiance a réchauffé un Stade de France en fusion pour ses guerriers bleus.

Ardie Savea a tout tenté

Replacé sur l’aile de la troisième ligne pour laisser le numéro 8 à la nouvelle étoile noire, Wallace Sititi (une nouvelle fois auteur d’une performance XXL), Ardie Savea a fait du mal aux Bleus. Comme sur le premier essai des All Blacks, où le meilleur joueur du monde 2023 efface Ramos, Dupont et Buros pour offrir l’essai à son coéquipier, Peter Lakai. Balle en mains, le solide avant a gagné 42 mètres et battu cinq défenseurs. À 31 ans, et 92 sélections, Savea n’a pas fini de briller. Et d’épater par ses cannes, comme le prouve son extraordinaire retour sur un contre mené par Bielle-Biarrey et Dupont à la 78e minute d’un match d’une intensité rare.

COUPS DE GRIFFE

Pour les Blacks, trop de jeu tue le jeu

Sans doute émoussés après leurs dernières victoires en Angleterre et en Irlande, les All Blacks ont manqué de carburant en fin de partie. Il faut dire que les blessures précoces du troisième-ligne Finau dès la 2e minute et du trois-quarts centre Jordie Barrett (37e) n’ont pas aidé. Agressifs, tranchants et saignants en première période, les Néo-Zélandais ont ensuite subi et, surtout, se sont fatigués trop facilement en ne rendant aucun ballon au pied et en n’occupant jamais le fond de terrain français (210 passes réalisées, contre 91 par les Bleus...). Attention, ne tapons pas non plus sur une équipe qui a la volonté d’envoyer du jeu à foison sans tomber dans du «ping-pong rugby». Mais c’est ce qui a sans doute causé du tort à ces Blacks. Un peu d’alternance n’aurait pas été de trop. D’ailleurs, seul l’ouvreur ou arrière Damian McKenzie a réussi à amener du dynamisme et de la vitesse. En vain. Souvent isolés et sans fraîcheur physique, les joueurs du sélectionneur Scott Robertson n’ont pas réussi à remonter tout le terrain - comme ils en ont souvent eu l’habitude depuis des décennies - pour assommer les Bleus.

Alldritt, moteur grippé

Méconnaissable. Grégory Alldritt était loin, ce samedi, de son meilleur niveau. L’incontournable numéro 8 des Bleus a perdu de sa puissance et de sa force de frappe qui ont fait de lui le bulldozer du XV de France. Moins dominateur, moins tranchant, il n’a que rarement mis les siens dans l’avancée. Bien ciblé qu’il était par les Néo-Zélandais qui ont considérablement (totalement ?) réduit son impact sur le jeu français. S’il s’est démené en défense, assénant 17 plaquages, le Rochelais est en revanche coupable sur l’essai du demi de mêlée néo-zélandais Cam Roigard (27e) où il se fait intercepter sa passe à destination d’Antoine Dupont. Depuis le début de la saison, Grégory Alldritt semble en dedans. Des difficultés qui n’ont pas échappé à Fabien Galthié, qui l’a remplacé dès la 49e minute. Inhabituel pour ce leader de l’équipe de France, qui avait été nommé capitaine en l’absence d’Antoine Dupont. Sans puissance, sans gaz, le troisième-ligne centre du Stade Rochelais perd de son influence et redevient un joueur quasiment... anonyme. Triste et inquiétant. Mais passager, espère-t-on.

Rugby : France - Nouvelle-Zélande en images

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