Guerre en Ukraine : l’Afrique du Sud reçoit Volodymyr Zelensky

Guerre en Ukraine : l’Afrique du Sud reçoit Volodymyr Zelensky

En se rendant à Pretoria ce jeudi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky accomplit sa première visite d’État sur le continent africain. TETIANA DZHAFAROVA / AFP

Longtemps accusé de soutien à Moscou, Pretoria reçoit le chef d’État ukrainien, deux mois après son vote inédit d’une résolution de l’ONU qualifiant la guerre «d’invasion totale de l’Ukraine» par la Russie et «réaffirmant son attachement» à l’«intégrité territoriale» du pays.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rend à Pretoria ce jeudi. C’est un signe du changement de ton de l'Afrique du Sud sur la guerre en Ukraine, longtemps taxée de positions pro-russes. Cette visite du chef d’État ukrainien, sa première sur le continent africain, intervient deux mois après le vote inédit par l'Afrique du Sud d'une résolution de l'ONU qualifiant la guerre «d'invasion totale de l'Ukraine» par la Russie et «réaffirmant son attachement» à l'«intégrité territoriale» du pays.

«Il est important que nous nous rapprochions d'une paix véritable. Nous faisons en sorte que les pays G20 soient impliqués dans les efforts diplomatiques», a écrit Volodymyr Zelensky sur les réseaux sociaux à son arrivée, avant de s'entretenir avec son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa. Il a exprimé aussi son désir de voir «l'Afrique du Sud participer effectivement à la coalition internationale pour rapatrier des milliers d'enfants enlevés par la Russie» durant le conflit.

Le revirement est frappant pour un pays dont le président qualifiait encore en octobre Moscou d'«allié et ami précieux» au sommet des BRICS. Cette proximité affichée a valu des accusations par l’ex-ambassadeur des États-Unis de livraisons d'armes à un cargo russe, le Lady R, ayant mouillé au Cap en décembre 2022. «L'Afrique du Sud a été critiquée pour avoir adopté une position assez ambiguë sur la façon de définir le conflit», observe Priyal Singh, chercheur à l'Institut pour les études de sécurité à Pretoria, pour qui le vote de la résolution «a mis les choses au clair». La présidence sud-africaine dément tout changement, qualifiant la visite de «poursuite des efforts pour tenter d'apporter une solution pacifique», comme «depuis le début», selon son porte-parole.

Une invitation au G20 en ligne de mire

Les chefs d’État ukrainien et sud-africain partagent en revanche le fait qu'ils sont des cibles de leur homologue américain Donald Trump. Ce dernier a qualifié Volodymyr Zelensky de «dictateur», accusé Pretoria de commettre un «génocide» contre les Blancs et critiqué la plainte déposée par l'Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice. Au regard de «la détérioration très rapide des relations entre Pretoria et Washington, l'Afrique du Sud essaie assurément de trouver un terrain d'entente avec ses partenaires européens», analyse Priyal Singh, l'UE étant son premier partenaire commercial. «La contradiction entre la position de l'Afrique du Sud sur Gaza et celle sur l'Ukraine a évidemment tendu les relations», ajoute-t-il, rappelant son positionnement d'emblée «très clair et de principe» sur les bombardements de l'enclave palestinienne.

L'inflexion est remarquée côté européen: «Il s'agit d'une étape positive», juge à propos de la visite ukrainienne le chef de mission adjoint de l'UE en Afrique du Sud, Fulgencio Garrido Ruiz. Pretoria est devenu «beaucoup plus cohérent» dans «ses positions d'appel au dialogue et de médiation», estime Gustavo de Carvalho, chercheur à l'Institut sud-africain des Affaires internationales, qui fait remonter l'évolution à 2023.

Il y a près de deux ans, Cyril Ramaphosa avait mené une délégation de chefs d'État africains à Saint-Pétersbourg (Russie) puis Kiev, pour appeler à la négociation les deux côtés. Cette posture n'est «pas simplement une vision naïve», explique Gustavo de Carvalho, mais le fruit de «l'expérience de la transition plutôt douce en Afrique du Sud dans les années 1990» à l'issue de l'apartheid.

À Pretoria, Volodymyr Zelensky pourrait demander à être invité au sommet du G20 à Johannesburg prévu en novembre, d'après Fulgencio Garrido Ruiz. La visite s'inscrit également dans le cadre d’une riposte de Kiev à la «stratégie de communication très agressive de la Russie en Afrique», ajoute le diplomate européen, rappelant le grand nombre de nouvelles ambassades ukrainiennes ouvertes sur le continent.

Loin de tourner le dos à Moscou, Cyril Ramaphosa a appelé lundi son homologue russe Vladimir Poutine pour «affirmer les solides relations» entre les deux pays, selon un communiqué. Ce lien persistant s'explique, selon Priyal Singh, par l'«internationalisme progressiste» au cœur de la politique étrangère sud-africaine, qui est d'après lui une «vision très binaire du monde» distinguant «les puissances impériales et tous les autres opprimés».