Israël : un ministre crée une polémique en voulant construire une synagogue sur l'esplanade des Mosquées

Itamar Ben Gvir, ministre israélien du parti nationaliste, a provoqué lundi une nouvelle polémique en remettant en question le bien-fondé du statu quo sur l'esplanade des Mosquées de Jérusalem, où il se verrait bien construire une synagogue. Depuis son entrée au gouvernement en décembre 2022, Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, s'est rendu au moins six fois sur ce lieu saint disputé situé dans le secteur de la Ville sainte occupé et annexé par Israël, autant de visites dénoncées comme des provocations et des atteintes au statu quo par les Palestiniens et nombre de capitales étrangères. «Si je pouvais faire tout ce que je voulais, je mettrais un drapeau israélien sur le site», a-t-il déclaré lundi dans un entretien accordé à la radio militaire israélienne Galeï Tsahal. Quant à y édifier une synagogue s'il le pouvait? Pressé par le journaliste à plusieurs reprises de répondre à cette question, Itamar Ben Gvir a fini par dire: «Oui.»

Troisième lieu saint de l'islam, l'esplanade des Mosquées est bâtie sur les ruines du second temple juif, détruit en l'an 70 par les Romains. Pour les juifs, c'est le mont du Temple, lieu le plus sacré du judaïsme. L'endroit est au cœur même du conflit israélo-palestinien et l'objet de tensions récurrentes pouvant parfois dégénérer en guerre, comme ce fut le cas au printemps 2021. En vertu d'un statu quo décrété après la conquête de Jérusalem-Est par Israël en 1967, les non-musulmans peuvent se rendre sur l'esplanade à des heures précises, sans y prier, mais cette règle est de plus en plus souvent bafouée par un nombre croissant de juifs nationalistes. «Les Arabes peuvent prier là où ils veulent», affirme le ministre dans son entretien à Galeï Tsahal, «donc les juifs devraient aussi pouvoir prier là où ils veulent».

«Aucun changement dans le statu quo sur le mont du Temple»

Si le lieu est administré par la Jordanie, son accès est contrôlé par les forces de sécurité israéliennes. De par ses fonctions, Itamar Ben Gvir est donc chargé de faire respecter le statu quo, mais il l'a lui même bafoué de façon spectaculaire le 13 août en se rendant sur l'esplanade avec plusieurs centaines d'Israéliens pour une prière à l'occasion d'une fête juive. Le bureau du premier ministre Benyamin Netanyahou avait alors qualifié l'«incident» d'«entorse au statu quo» et affirmé que seuls «le gouvernement et le Premier ministre [...] définissent la politique [israélienne] sur le mont du Temple», et non pas tel ou tel ministre. «La politique [actuelle] permet [aux juifs] de prier sur» l'esplanade, a néanmoins affirmé lundi Itamar Ben Gvir à la radio militaire, forçant une nouvelle fois les services du premier ministre Benyamin Netanyahou à publier un communiqué, laconique, assurant qu'il n'y a «aucun changement dans le statu quo sur le mont du Temple».

Plus incisif, alors qu'Israël est en guerre dans la bande de Gaza contre le mouvement islamiste palestinien depuis l'attaque sanglante lancée par ce dernier le 7 octobre, le ministre de la Défense Yoav Gallant a jugé sur X que «les actes de Ben Gvir mettent en danger la sécurité de l'État d'Israël». «Remettre en question le statu quo sur le mont du Temple est un acte dangereux, inutile et irresponsable», a-t-il ajouté. Les propos de Itamar Ben Gvir surviennent au lendemain d'une brusque flambée de violence sur le front opposant l'armée israélienne et le mouvement islamiste libanais Hezbollah - allié du Hamas - à la frontière israélo-libanaise depuis bientôt 11 mois.

Le chef de l'opposition israélienne Yaïr Lapid a ironisé sur X estimant que le communiqué de Netanyahou était juste car «en effet il n'y a pas de changement sur le statu quo, qui était et reste que Ben Gvir n'en a rien à faire et que Netanyahou a perdu le contrôle de son gouvernement». «Les Lieux saints sont la ligne rouge dont nous n'autoriserons pas le franchissement», a déclaré le porte-parole de la présidence de l'Autorité palestinienne, Nabil Abou Roudeina. Le Hamas a qualifié de «dangereux» les propos de Itamar Ben Gvir et appelé les «nations arabes et islamiques à prendre leurs responsabilités pour protéger les Lieux saints». «La Jordanie prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux attaques contre les Lieux saints», a réagi son ministère des Affaires étrangères, qui «prépare les dossiers juridiques nécessaires pour intenter une action devant les tribunaux internationaux» à ce sujet.