Lynda Lemay : une décoration surprise à l’Olympia

Lundi 18 novembre en fin de soirée, alors qu’elle s’apprêtait à conclure, après près de trois heures de scène sans entracte, son 64e Olympia, Lynda Lemay a vu arriver sur le plateau Gérard Davoust, son éditeur, en compagnie d’une femme qu’elle ne connaissait pas. Il s’agissait d’Élisabeth Moreno, qui fut ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la diversité dans le gouvernement de Jean Castex. Elle était parfaitement habilitée à procéder à une cérémonie officielle et surprise : remettre la croix d’Officier des Arts et des Lettres à la chanteuse québécoise. 

Celle-ci, qui ignorait les démarches entreprises par Gérard Davoust auprès du ministère de la Culture, n’a pas dissimulé son émotion et ses larmes. Plus habituée, en ce genre de circonstances, à lire le discours traditionnel devant une poignée d’intimes, Élisabeth Moreno a rappelé les grandes lignes d’une carrière devant 2000 fans debout, incollables sur le sujet. Elle a évoqué ses débuts dans les cafés du vieux Québec et la variété d’un répertoire où se mêlent des mots « parfois drôles, parfois tristes, parfois crus ». Elle a ainsi cité des couplets des Souliers verts où elle évoque la comparaison entre la tête d’un homme, soupçonné d’avoir trompé sa fiancée, avec celle d’un caméléon sur un lit blanc, et l’image insolite, dans d’autres couplets, du croisement du personnage de Charlie Chaplin avec une olive noire dénoyautée. Elle a conclu en saluant celle qui se définit comme une « raconteuse » et qu’elle considère plutôt comme une « conteuse »

Le souvenir de Charles Aznavour a, bien entendu, été évoqué. En 2012, c’est sur cette même scène qu’à la fin d’un concert, il était venu accrocher sur la robe de la récipiendaire, la croix du premier grade, celui de Chevalier des Arts et des Lettres. Lynda a jadis créé en public et en sa présence, Surtout vous, une chanson où elle lui rend un hommage admiratif et affectueux. Leur rencontre remonte au 13 juillet 1996. Ce jour-là, Charles Aznavour et Gérard Davoust se rendent à Montreux pour assister à la soirée de clôture du Festival de jazz annuel de l’été. Charles Trenet, célébré pour l’ensemble de sa carrière, donne un concert en deuxième partie d’une soirée au cours de laquelle de jeunes talents viennent lui rendre hommage. Parmi eux, figure une jeune femme blonde, spécialement venue du Québec pour interpréter Ma maison, l’un des innombrables succès du « Fou chantant ». Elle enchaîne avec J’veux pas de visiteAznavour, propriétaire des éditions Raoul Breton glisse immédiatement à l’oreille de son Président, Gérard Davoust, « elle doit être chez nous ! ». À l’entracte, ils la rejoignent dans sa loge et lui demandent si elle dispose d’une équipe en France. Ce n’est visiblement pas le cas. Au même instant, le directeur d’une grande compagnie discographique la félicite à son tour et lui demande si elle serait intéressée par l’enregistrement d’un disque. Du tac au tac, et avec le sourire, elle répond, « il est chez vous depuis plus d’un an et personne ne s’en occupe ! ». Son interlocuteur, bredouillant, lui propose un déjeuner le lendemain. Elle refuse poliment, car elle reprend l’avion pour le Québec. 
C’est ainsi que quelques jours plus tard, Davoust se rend à Montréal où, dans un bureau, en s’accompagnant à la guitare, Lynda va lui fredonner un échantillon de dizaines de couplets dormant alors dans ses tiroirs. Confirmant son enthousiasme par un contrat, son nouvel éditeur va entamer un véritable parcours du combattant . En quelques mois, il va ainsi permettre à l’interprète de passer, grâce au bouche-à-oreille, de salles modestes devant un public clairsemé, à de grands music-halls, dans toute la France où , depuis, elle n’a jamais cessé d’afficher complet. Les soirées se terminent traditionnellement par une longue séance d’autographes avec des spectateurs tellement fidèles qu’elle finit par appeler certains par leur prénom. 
Passant régulièrement d’un côté de l’Atlantique à l’autre, elle va donner, le mois prochain, une série de spectacles en Belgique, revenir en France en 2025 pour une longue tournée et trois nouveaux concerts à l’Olympia. Ce qui ne l’empêchera pas de trouver le temps pour écrire, composer et enregistrer de nouvelles chansons. Elle a déjà taillé son crayon. Parce qu’elle a une mine d’idées.