"Un mal au départ, un bien au final" : après une alerte cardiaque, la nageuse française Anastasiia Kirpichnikova revient fort dans les bassins
Elle sera l'une des têtes d'affiche de l'équipe de France aux Mondiaux de natation qui se déroule cet été, du 11 juillet au 3 août, à Singapour. Anastasiia Kirpichnikova, dont le nom a été confirmé jeudi 19 juin, a été découverte par le grand public lors des JO de Paris. La Française d'origine russe y a été sacrée vice-championne olympique du 1 500m nage libre, la seule médaille pour les nageuses tricolores. Un an plus tard, elle est retour, après des mois très agités.
Il y a eu le temps de la fête après les Jeux, en France puis dans son pays natal, la Russie. "J'ai fêté cette médaille pendant deux mois et c'est normal, s'amuse la jeune femme qui célèbre ses 25 ans le 24 juin prochain. J'en avais fini avec une période importante de ma vie et j'avais réalisé un rêve d'enfant, bien sûr que je voulais le fêter."
"Tu dois arrêter la natation ou tu vas mourir"
Même Philippe Lucas, son entraîneur à la réputation de main de fer, a laissé faire : "Elle est comme ça, tu ne peux pas l'empêcher de sortir. Tu vas dire quoi ? 'Tu ne sors pas ?' Ça serait une erreur parce qu'elle a besoin de ça. Je lui demande juste d'être sérieuse à l'entraînement."
Cette longue période loin des bassins s'est un peu éternisée. Mise à part une courte parenthèse lors des championnats de France petit bassin dans son club de Montpellier à l'automne, Anastasiia Kirpichnikova ne reprend sérieusement l'entraînement qu'en février. C'est le moment où elle passe un examen chez un cardiologue en Russie. "Il m'a dit : 'Tu dois arrêter la natation ou tu vas mourir', raconte-t-elle avec son délicat accent slave. Là, j'ai commencé à pleurer et j'ai pleuré pendant sept jours. Ma mère était avec moi, elle était choquée aussi."
De retour en France, la nageuse passe de nouveaux examens qui s'avèrent rassurants. Cet épisode douloureux agit chez elle comme un déclic. "Je n'en ai jamais parlé avec elle mais je pense qu'elle a compris l'importance qu'était la natation pour elle, révèle Philippe Lucas. On lui a dit qu'elle ne pourrait plus nager, que c'était fini, qu'elle avait un cœur de 90 piges. Elle a pris peur et je pense que ça a été un mal au départ et un bien au final."
"Ah, c'est vraiment moi qui ai fait ça ?"
Aujourd'hui, Anastasiia Kirpichnikova est de retour, avec plus de longueurs dans la piscine et moins de fêtes. "Je me suis calmée avec ça. Je peux sortir bien sûr mais c'est beaucoup plus calme qu'avant. Je préfère ma vie de maintenant", assure-t-elle. Même si pour son mentor, ce n'est pas tous les jours facile. "Elle est très difficile à entraîner, tranche Philippe Lucas qui la dirige dans le club de Martigues, dans les Bouches-du-Rhône. On pense qu'avec les Russes, c'est très carré et encadré, ce sont des conneries. J'en ai entraîné neuf, je connais par cœur les Russes et les Biélorusses. Ça va qu'elle est avec moi et que je la laisse faire. Avec un autre entraîneur, ce serait impossible."
La Française, naturalisée il y a deux ans, parle de mieux en mieux la langue bien qu'elle ait arrêté les cours. C'est plus facile pour échanger avec Philippe Lucas même s'il prononce souvent son nom de façon aléatoire. "Ça fait six ans et demi qu'on travaille ensemble, je suis là tous les jours et il n'arrive toujours pas à dire mon nom", se désole gentiment la native d'Asbest dans l'Oural. "Mais moi je le fais à la vraie, à la russe", lui répond Philippe Lucas.
Totalement impliquée dans la natation, Anastasiia Kirpichnikova a désormais les yeux tournés vers Singapour cet été. Elle s'est qualifiée pour ces Mondiaux lors des championnats de France de Montpellier sur 400m et 1 500m nage libre et elle pourrait aussi disputer le 800m nage libre. Avant d'envisager une échéance plus lointaine : les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. Mais elle n'oubliera jamais ceux de Paris, imprimés à vie dans sa mémoire : "Ma médaille [d'argent] est chez moi à Martigues, à côté d'une photo, de mon bonnet et de ma combinaison. C'est un peu comme un musée. Je regarde ma médaille tous les matins et tous les soirs et je me dis : 'Ah, c'est vraiment moi qui ai fait ça ?'"