TEMOIGNAGE. Guerre en Ukraine : Mikhaïlo, un héros du quotidien qui évacue les civils des territoires occupés

Entre l'Ukraine et la Russie, un sur-place diplomatique, malgré la libération de prisonniers des deux camps. Les espoirs d’un cessez-le-feu s’envolent une fois de plus. Et des milliers d’Ukrainiens doivent encore fuir leur domicile, dans la région de Soumy, dans l’est du pays, qui est menacée par un renforcement des troupes russes à la frontière en cette fin du mois de mai. Ces évacuations sont parfois organisées par des héros ordinaires, comme Mikhaïlo qui a sauvé de nombreuses vies depuis trois ans et demi, que franceinfo a pu rencontrer à Irpin, dans la banlieue de Kiev.

Il a gardé sur le tableau de bord de sa camionnette rouge les peluches offertes par certains des enfants qu’il a sortis de l’enfer. Mikhaïlo a filmé ses trajets un peu fous, avec des évacués hagards. La première fois, c’était dès 2022 à Marioupol, sa ville d’origine. Il y tenait une boite de nuit avant la guerre. Quand les Russes sont arrivés, il est devenu taxi volontaire et a mis à l’abri des dizaines de personnes, sa camionnette en est encore criblée de balles. Il sourit : "La réparer, pour quoi faire ? Elle roule bien comme ça ! C’est juste qu’elle est un peu plus aérée. Tous ces éclats, c’est elle qui a pris pour moi. C’est un don de Dieu."

Le petit fourgon rouge et Dieu, voilà donc ce qui l’a protégé des drones, dit Mikhaïlo 39 ans, quatre enfants et protestant. "Une fois, il y a eu une frappe et, sous l'effet du souffle, je suis tombé. Mais quand je me suis relevé, j’avais juste perdu mes claquettes !" Une vieille paire de Crocs, rouges comme sa camionnette, qu’il a ensuite emmenée partout où l’armée russe avançait : Azovstal, Kherson, Avdivka, Bakhmout... "C’est là que j’ai rencontré cette mamie qui était très sale. Je lui demande : 'C'est quand la dernière fois que vous avez pu prendre une douche ?' Elle me dit 'mais je ne sais même plus quand j’ai pu rien que me laver les pieds !' Alors, avec mes camarades, on a regardé un tuto sur Youtube, et on a installé notre première douche à Bakhmout !"

Son véhicule fétiche aujourd’hui est garé à Irpin, la ville martyre, devant un conteneur qui ne paie pas de mine. Mais Mikhailo a vu le potentiel : ce sera bientôt un local social pour ceux qui évacuent encore les territoires occupés et sont déplacés là. Trois bénévoles sont en train de l’aménager, dont Vitaly, surnommé "la sauterelle". C'est un petit format en effet, il est fidèle à Mikhailo depuis les évacuations de Bakhmout et a même fait tatouer sur son avant-bras la camionnette rouge. Mikhailo, lui, a des problèmes cardiaques, il a fait déjà deux infarctus. Ses collègues ne le laissent rien porter de lourd. Mais il répète qu'il continuera d'être actif sur tous les fronts, tant que son cœur tiendra.