2 millions de nouveaux inscrits mais pas de renforts : les syndicats de France Travail s’insurgent contre « une pagaille pas possible »

Quatre mois après sa généralisation, la réforme du RSA, inscrite dans la loi plein emploi, se cogne déjà au réel et au front des syndicats de France Travail, qui dégainent, ce 1er avril, un appel à une mobilisation nationale. Face à l’afflux de plus de 2 millions de nouveaux inscrits, sans renforts humains pour absorber le choc, et dans un flou persistant, « qu’est-ce qui aurait pu après tout mal se passer ? » ironisent les représentants de cette intersyndicale, réunissant la CGT, la CFTC, la FSU, Sud et le syndicat des travailleurs corses (mais sans la CFDT et Force ouvrière), qui avaient anticipé l’impasse actuelle, mais refusent de se résoudre à cette nouvelle détérioration de leurs conditions de travail.

En première ligne dans la mise en route des dispositions qui imposent désormais une inscription d’office dans les fichiers de France Travail à l’ensemble des allocataires du RSA, tout en les soumettant, via un contrat d’engagement, à quinze heures d’activités hebdomadaires – sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension de leur allocation- nombre d’agents s’attendaient à une situation chaotique. Qui se serait donc, selon les syndicats, confirmée.

Tâches supplémentaires

« C’est une pagaille pas possible », s’émeut Francine Royon, représentante de la CGT France Travail en Île-de-France, qui pointe la désorganisation et la tension causées par l’irruption, dans leurs plannings, de tâches supplémentaires, induites par l’entrée, dans leurs fichiers, non seulement de ces 1,2 million d’allocataires du RSA (et de leurs conjoints), mais aussi des 1,1 million de jeunes suivis par les missions locales, ainsi que des 220 000 travailleurs porteurs de handicap qu’épaule Cap emploi.

Autant de personnes dont l’orientation était censée se faire « automatiquement » à partir d’avril, mais qui, en raison de dysfonctionnements en chaîne, a finalement échu aux agents au moins jusqu’à juin prochain. « Les collègues sont planifiés toute la matinée sur les entretiens d’orientation et cela se fait au détriment du suivi classique des demandeurs d’emploi qui sont dans leurs portefeuilles », détaille Vincent Lalouette, secrétaire général adjoint de la FSU emploi.

« Jeu de ping-pong »

Ces entretiens qui s’effectuent par téléphone, sur la base d’un questionnaire, ont en effet pour vocation d’aiguiller ces nouveaux inscrits, selon leur profil, soit vers le Conseil départemental (pour les allocataires du RSA), soit vers les missions locales (pour les jeunes) ou, le cas échéant, vers France Travail. Une première étape incontournable avant de décrocher « un premier rendez-vous d’intégration dans un portefeuille ».

Sur le terrain, le processus virerait plutôt à « un jeu de ping-pong », les usagers étant, selon les représentants syndicaux, régulièrement ballottés d’un interlocuteur à l’autre. La faute à des questionnaires rédigés de façon peu pertinente – et, selon Francine Royon, assez intrusive avec « des questions intimes, parfois gênantes à poser »– ou encore à cause des moyens limités des autres partenaires, encore plus démunis que France Travail, après la saignée des coupes budgétaires, selon Vincent Lalouette.

Ce dernier explique ainsi que « régulièrement, des usagers envoyés à la mission locale, par exemple, sont redirigés vers France Travail faute de place ». Résultat : ce qui était présenté aux agents comme un entretien téléphonique de quinze minutes déborde dans les faits le temps imparti ou se trouve démultiplié, quand les conseillers doivent rectifier le tir. « Les collègues sont à bout », conclut ainsi Francine Royon. Des agents épuisés, des usagers désorientés : les premiers effets de cette réforme semblent, pour l’heure, bien étrangers à « l’accompagnement rénové » vanté par Thibaut Guilluy, le directeur général de France Travail, en décembre dernier.

« Faire plus avec moins »

Pour Francine Royon, les ratés étaient prévisibles, vu « l’impréparation totale » qui a présidé à la mise en place de cette réforme, dont les décrets, rappelle la représentante syndicale, n’ont été publiés que les 30 et 31 décembre 2024, soit la veille de son entrée en vigueur. Ces récentes secousses sont d’autant moins tolérables à ses yeux, qu’elles se greffent sur un terrain déjà miné par une succession de réformes, qui ont fait de France Travail, selon les termes d’une militante de la FSU, « la vitrine de ce qu’il y a de pire dans le macronisme ». Pour les salariés, elles se traduisent avant tout par une injonction à « faire toujours plus avec moins », sans pour autant voir leurs salaires augmenter en proportion. Contacté par L’humanité, le service de presse de France Travail n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Ils n’en seront pas moins relayés avec force, assurent les syndicats, lors de ces rassemblements du 1er avril, par ailleurs jour de l’entrée en vigueur de la nouvelle convention d’assurance chômage, une attaque violente contre les droits des privés d’emploi seniors, contre laquelle ces organisations comptent également donner de la voix dans toute la France.

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