«Arrêtons de taper sur nos viticulteurs !»: ces ministres qui se voient reprocher leur proximité avec le «lobby de l’alcool»

Une vidéo a refait surface sur les réseaux sociaux après l’annonce de la nomination de Yannick Neuder, député LR et rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, comme ministre de la Santé. C’était en novembre : opposé à une hausse générale des taxes sur l’alcool, y compris sur le vin et la bière qui étaient jusqu’ici exemptés de la «cotisation sécurité sociale» permettant de lutter contre l’alcoolisme, le député avait justifié sa position dans l’hémicycle en expliquant : «Je ne crois pas que les jeunes s’alcoolisent avec du Châteauneuf-du-Pape, contrôlons déjà la vente d’alcool à nos plus jeunes, qui sont souvent des alcools forts, et soutenons nos viticulteurs !»

À quelques jours du Dry January, le mois de janvier sans alcool promu par plusieurs associations de lutte contre l’alcoolisme et qui connaît un succès grandissant en France, un début de polémique est né : «soutenons nos viticulteurs», un ministre de la Santé peut-il dire ça ? Yannick Neuder a ainsi été sommé de se défendre, et le cardiologue a exposé auprès de BFMTV le 24 décembre : «toutes les alcoolisations aigües que j’ai pu rencontrer, notamment lorsque je faisais les gardes aux urgences, n’étaient pas forcément avec le type d’alcools qui étaient cités dans les amendements». Avant d’appeler tout de même à la modération : «Naturellement, nous sommes bien d’accord que toute consommation d’alcool, et particulièrement dans la jeunesse, c’est de la consommation forte, plutôt massive.» Avant d’assurer : «Je ne suis à la botte d’aucun lobby sur l’alcool, si c’est ça la question».

Et c’était justement bien cela, la question : Yannick Neuder était par exemple cité dans une enquête de Radio France intitulée «comment le lobby de l’alcool influence les pouvoirs publics». «L’annonce de la composition du gouvernement de François Bayrou a immédiatement suscité l’inquiétude des acteurs de l’addictologie, et de la santé plus largement», a écrit l’association Addictions France sur son site Internet, en citant notamment les positions de Yannick Neuder.

«Je suis contre le Dry January»

Autre ministre dans le viseur de l’association, et déjà attaquée par le passé sur ce sujet : Catherine Vautrin, qui retrouve des fonctions au ministère de la Santé où elle avait déjà été nommée dans le gouvernement de Gabriel Attal. La présidente de la métropole du Grand Reims a en effet plus souvent qu’à son tour fait la promotion des viticulteurs champenois.

Elle avait été mise en cause l’an passé pour une image qu’elle utilisait en bandeau sur les profils de ses différents comptes sur les réseaux sociaux. La bannière montrait un paisible vignoble champenois étaler ses feuilles de vigne verdoyantes sous un chaud soleil de printemps, et portait le sigle de la «Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne», une association présidée par Pierre-Emmanuel Taittinger, un des géants de la production de champagne. Cette association administre la gestion du vignoble champenois inscrit depuis 2015 au patrimoine mondial de l’Unesco. Catherine Vautrin avait été contrainte de changer discrètement sa photo de couverture sur ses comptes sur les réseaux sociaux...

Une troisième membre du gouvernement de François Bayrou est également dans le viseur de l’enquête de Radio France, et critiquée par les associations : «Cette année, écrit Radio France, lors des discussions sur le PLFSS 2024, les producteurs d’alcool et surtout de vin, pouvaient compter sur un soutien de poids. Nathalie Delattre, ministre sortante des Relations avec le Parlement, ancienne vigneronne et ex-sénatrice de Gironde, a multiplié les gestes à leur égard.» Nathalie Delattre vient d’être renommée, cette fois, au Tourisme. 

Les associations de lutte contre l’alcoolisme lui reprochent par exemple son déplacement à la réunion annuelle de l’Association nationale des élus de la vigne et du vin, dont elle fut la coprésidente avant son entrée au gouvernement. Elle y avait notamment déclaré : «Soyez assurés que depuis que je suis ministre, je n’ai pas changé. Je continue fièrement à porter les couleurs de la viticulture.» Ajoutant : «Je continue à visiter des exploitations viticoles et des caves, à porter haut et fort le fait que je suis contre le ‘Dry January’. Je continuerai à être en soutien. J’ai lu quelques articles de presse pour dire que j’étais encore une affreuse lobbyiste des alcooliers, eh bien oui j’assume !» Le message avait le mérite d’être clair !