Guerre économique : en quoi consiste la stratégie de « pression maximale » de Washington pour asphyxier le Venezuela
Un peu plus de cent jours après le retour de Donald Trump à la Maison blanche, le think tank progressiste états-unien du Centre de recherche économique et politique (CEPR) revient dans son Observatoire des sanctions sur les plans de l’administration républicaine ciblant le pays dirigé par Nicolás Maduro. Car peu importe à Donald Trump que ses sanctions coercitives unilatérales soient interdites par le droit international et que leurs conséquences soient mortifères pour la population vénézuélienne : plus de dix ans après les premières mesures décidées par Barack Obama, Washington cherche plus que jamais à asphyxier la révolution bolivarienne et mise de nouveau sur un retour à la stratégie de « pression maximale ».
Avec l’objectif de porter l’estocade à une économie qui se relève tout juste après les conséquences de ce que des rapporteurs de l’ONU ont décrit comme des « mesures cruelles » aux effets « dévastateurs sur toute la population » : chute de plus de 80 % du PIB entre 2013 et 2020, pire épisode d’hyperinflation jamais enregistré dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale entre 2015 et 2021, et plus de 90 % des Vénézuéliens vivant sous le seuil de pauvreté cette même année.
Alors que le retour du républicain au pouvoir a été suivi de résiliations des licences pétrolières touchant le Venezuela et par la mise en place de droits de douane supplémentaires de 25 % sur les échanges commerciaux avec les États-Unis pour les pays achetant du pétrole à ce pays, le CEPR note que ces décisions « commencent à produire leur effet ». Les exportations déjà limitées de pétrole du pays sud-américain – dont l’économie dépend fortement – auraient en effet déjà chuté de 11,5 % en mars, tandis que le taux de change non officiel bolivar/dollar a augmenté de 25 % depuis la fin février.
Des pratiques « sans précédent et juridiquement discutables »
Des multinationales opérant au Venezuela ont été informées ces derniers mois par les autorités étasuniennes que leur licence d’exportation de pétrole vénézuélien serait révoquée. Parmi celles-ci, l’espagnole Repsol a par exemple été notifiée qu’elle avait jusqu’au 27 mai pour mettre fin à ses activités dans le pays sud-américain, tandis que les compagnies pétrolières françaises Maurel et Prom, et italienne Eni, ont fait savoir que leurs autorisations respectives d’opérer au Venezuela avaient été révoquées.
« L’économie du Venezuela, qui dépend fortement du pétrole, risque de souffrir », rapporte le CEPR, citant diverses sources faisant notamment état de « vives inquiétudes » chez les analystes du marché de l’énergie quant aux effets de l’utilisation « comme arme » (de la part du gouvernement étasunien) de droits de douane supplémentaires, des pratiques jugées « sans précédent et juridiquement discutables ».
Des politiques « susceptibles de causer encore plus de souffrance humaine », selon le CEPR, qui cite le journal conservateur The National Interest lequel estime que les sanctions américaines ont été « un échec sur toute la ligne » et rappelle que « depuis 2018 (celles-ci) ont eu des conséquences désastreuses pour le peuple vénézuélien et ont été contre-productives pour les décideurs politiques à Washington (…) en renforçant le régime de Maduro et (en ouvrant) le pays à la pénétration russe et chinoise ».
Le Financial Times est aussi cité dans le rapport pour souligner que « les États-Unis ont déjà tenté (la stratégie) des punitions économiques par le passé. Le résultat, à chaque fois, a été un effondrement de l’économie, des déplacements massifs (de la population) et une instabilité régionale croissante ».
Une guerre économique en violation du droit international
L’année dernière, un document émanant du Congrès nord-américain constatait que les mesures de Washington avaient « contribué à la crise économique qui a poussé 7,7 millions de Vénézuéliens à quitter le pays ». Et ce alors que, lorsqu’il avait lancé le premier train de sanctions contre le Venezuela, en 2015, le président Barack Obama avait assuré que celles-ci n’avaient pas pour objectif d’impacter la population ou l’économie du Venezuela.
En janvier 2019, le rapporteur spécial des Nations unies sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales, Idriss Jazairy, avait fait part de ses préoccupations concernant les sanctions étasuniennes contre le Venezuela. « La coercition, qu’elle soit militaire ou économique, ne doit jamais être utilisée pour obtenir un changement de gouvernement dans un État souverain. L’utilisation de sanctions par des puissances extérieures pour renverser un gouvernement élu est en violation de toutes les normes du droit international », avait-il rappelé.
Sans citer directement les États-Unis, Idriss Jazairy avait dénoncé le fait que les sanctions contre le pays sud-américain « (portaient) atteinte aux droits de l’homme de personnes innocentes », tout en critiquant le fait de « provoquer une crise économique et humanitaire ». Mais nous savons ce que pense le président Donald Trump de la souveraineté des autres pays, du droit international et de l’ONU.
Le journal des intelligences libres
« C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. »
Tel était « Notre but », comme l’écrivait Jean Jaurès dans le premier éditorial de l’Humanité.
120 ans plus tard, il n’a pas changé.
Grâce à vous.
Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.
Je veux en savoir plus !