Une deuxième journée de solidarité pour financer les Ehpad en crise, la proposition choc d’un rapport du Sénat
Les Français devront-ils sacrifier un autre jour férié pour financer l’autonomie de leurs aînés ? Alors que le modèle des Ehpad a été mis à mal par les révélations du livre de Victor Castanet, Les fossoyeurs (Fayard, 2022) et que le secteur est en quête de financements, une nouvelle piste de recettes a été avancée dans un rapport du Sénat. Celle-ci risque toutefois de déplaire fortement aux actifs.
Publié ce mercredi, le rapport d’information est le fruit du travail des sénatrices Chantal Deseyne (LR), Anne Souyris (Écologiste) et Solanges Nadille (RDPI). Il revient sur le modèle des Ehpad, jugé «à bout de souffle» et «à reconstruire» au plus vite. Aujourd’hui, les Ehpad prennent déjà en charge 600.000 personnes, un nombre qui devrait augmenter considérablement dans les prochaines années, lorsque la vague du vieillissement démographique déferlera sur ces établissements : la population âgée dépendante augmentera ainsi de 46% entre 2020 et 2050.
Or, les Ehpad traversent déjà des «difficultés économiques inédites». 66% étaient déficitaires en 2023, selon la Direction générale de la cohésion sociale, leur taux d’occupation a chuté, entre 2020 et 2021, et l’image de ces lieux s’est dégradée après la publication du livre de Victor Castanet. Plus récemment, la crise inflationniste, l’augmentation des salaires et celle des dépenses de fonctionnement sont venues aggraver les problèmes de ces établissements. Le modèle est donc en crise, et pâtit par ailleurs d’absentéisme et d’un manque d’attractivité : «Alors que les aides-soignants constituent les piliers du fonctionnement des Ehpad, ce métier connaît un déficit d'attractivité durable», relatent les auteurs.
Vers l’abandon d’un jour férié ?
Pour redresser la barre, les sénatrices formulent plusieurs propositions, dont l’instauration d’une «cible globale de ratio d’encadrement de 8 ETP pour 10 résidents» ou la transformation des établissements, qui doivent être pensés non comme des lieux de soin mais comme des «micro-coeurs de ville, avec des lieux de vie [...] et des services intégrés». Les élues suggèrent également d’importants investissements, y compris pour adapter ces bâtiments au réchauffement climatique ou pour les accompagner dans l’ère numérique.
Mais c’est la quatrième proposition qui pourra faire le plus réagir les actifs. Afin de financer la branche autonomie de la sécurité sociale, les sénatrices conseillent de créer «une deuxième journée de solidarité». En d’autres termes, sacrifier un jour de repos, afin de travailler davantage, sans être rémunéré, pour le bien collectif. «La création d'une deuxième journée de solidarité, qui pourrait se traduire par la suppression d'un jour férié, permettrait de générer 2,4 milliards d'euros de recettes supplémentaires (3,3 milliards d'euros en augmentant symétriquement la contribution des retraités)», calculent les auteurs.
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Pour rappel, la première journée de solidarité a été instaurée en 2004. Celle-ci vise à «financer des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées». «En règle générale, la journée de solidarité dans le privé prend la forme d'une journée de travail supplémentaire sur l'année, cette journée n'étant pas rémunérée», décrivent les services de l’État. L’actif pourra ainsi travailler un jour férié autre que le 1er mai, un jour de RTT, ou un autre moment «permettant le travail de 7 heures précédemment non travaillées», comme un samedi. Et ce, dans le privé comme le public. La journée rapporte environ trois milliards d’euros dans les caisses de l’État chaque année, menant à un pactole de 37 milliards pour l’autonomie, entre 2004 et 2020. Un chiffre qui pourrait bien augmenter, si une deuxième journée était mise en place.