Le président libanais, Joseph Aoun, se rend vendredi en France pour sa première visite officielle en Occident depuis son élection en janvier, à laquelle Paris a grandement contribué dans l'espoir d'amorcer un processus de réformes politiques et économiques dans le pays en crise. L'élection de Joseph Aoun et la formation d'un gouvernement dirigé par le réformiste Nawaf Salam ont mis fin au blocage politique qui durait depuis plus de deux ans. Les nouveaux dirigeants ont maintenant la tâche ardue de mener les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer les fonds nécessaires afin de sortir le pays de la crise économique qui dure depuis plus de cinq ans.
Et ils doivent superviser le processus de désarmement du Hezbollah, en vertu de l'accord qui a mis fin à la guerre meurtrière entre la formation pro-iranienne et Israël dont le pays est sorti exsangue fin novembre. «Cette visite en France est symboliquement importante car la France avait été, avec les États-Unis et l'Arabie saoudite, l'un des trois pays qui avaient le plus poussé à l'élection de Joseph Aoun à la présidence de la République», explique Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. «Elle vise également à ce que la France puisse reprendre le rôle traditionnel qu'elle jouait lors des précédentes conférences des donateurs, c'est-à-dire que ce serait la France qui mobiliserait les pays amis du Liban (..)», ajoute-t-il.
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«Une bouffée d’optimisme depuis deux mois»
Le président français Emmanuel Macron, que Joseph Aoun doit rencontrer vendredi, s'était rendu à Beyrouth le 17 janvier, quelques jours après l'élection présidentielle, et avait annoncé la tenue d'une conférence internationale pour la reconstruction du Liban, dont la date n'a toujours pas été fixée. Le président libanais a affirmé mercredi, en recevant l'émissaire spécial français pour le Liban Jean-Yves Le Drian, qu'il tenait à «remercier à nouveau» Emmanuel Macron pour son soutien au Liban. Il a ajouté qu'il était «déterminé avec le gouvernement à surmonter les difficultés auxquelles pourrait être confronté le processus de réforme dans les domaines économiques, bancaire, financier et judiciaire». «Il y a eu une bouffée d'optimisme depuis deux mois, mais il y a encore des raisons de craindre que la tâche des nouveaux dirigeants ne soit pas aussi simple», note à ce sujet Karim Bitar.
D'un côté, le processus de réformes se heurte à ce que l'analyste appelle «le parti des intérêts privés», «qui cherche à empêcher toute réforme économique et sociale, toute édification d'un État» et toute réforme et tout accord avec le Fonds monétaire international. Cet État profond, où le pouvoir politique, économique et les médias sont intrinsèquement liés, «cherche à défendre le système qui avait perduré pendant 30 ans», selon lui. En témoigne le bras de fer en cours autour de la nomination d'un nouveau gouverneur de la Banque du Liban, le précédent, Riad Salamé, accusé de détournement massif de fonds publics, étant aujourd'hui en prison.
Depuis 2019, le Liban est plongé dans une crise économique inédite imputée par une grande partie de la population à la mauvaise gestion, la corruption, la négligence et l'inertie de la classe dirigeante qui était en place depuis des décennies.