«Redonner une chance aux commerces traditionnels» : un maire de l’Aisne déclare la guerre aux fast-foods

«Redonner une chance aux commerces traditionnels» : un maire de l’Aisne déclare la guerre aux fast-foods

Sujets
Une dizaine d’enseignes de restauration rapide sont installées dans cette commune de 3000 habitants. Annuaire des restaurants de France

Le maire de Fère-en-Tardenois, Jean-Paul Roseleux, a déposé un arrêté afin de limiter l’implantation de fast-foods dans sa commune. L’initiative, retoquée par la préfecture, relance le débat sur la régulation de la restauration rapide dans les petites villes.

Passer la publicité Passer la publicité

À Fère-en-Tardenois (Aisne), bourg de 3000 habitants niché au cœur de la Picardie, le maire Jean-Paul Roseleux a déclaré la guerre aux kebabs, tacos, pizzerias et burgers qui se multiplient dans la commune. Au point qu’une rue entière aligne désormais une dizaine de vitrines occupées par ce type de restauration rapide. « Trop, c’est trop », tranche l’édile, qui a tenté, par un arrêté municipal, de mettre un frein à ces installations.

Le déclic, confie-t-il, a été la fermeture d’« un bon petit restaurant », le dernier à proposer une cuisine de produits locaux, aussitôt remplacé par un fast-food. « Dans un village comme le nôtre, les commerces traditionnels  peinent à résister. On n’a plus de librairie, très peu de restaurants classiques, alors qu’on compte déjà plusieurs établissements de restauration rapide » explique-t-il avant d’ajouter « les gens pensent que c’est une manne, qu’ils vont gagner beaucoup d’argent là-dessus, mais avec autant de concurrence la boutique ferme et reste désespérément vide ».

Passer la publicité

Un arrêté retoqué par la préfecture

L’arrêté municipal, qui visait à suspendre l’ouverture de nouveaux fast-foods, a été jugé irrecevable par la préfecture. « Je m’y attendais », reconnaît Jean-Paul Roseleux. Mais cette initiative a fait réagir bien au-delà des frontières de l’Aisne. « J’ai reçu des courriers de maires de toute la France, intéressés par la démarche et prêts à reprendre ce type de texte », raconte-t-il. Même certains commerçants locaux, pourtant concernés, lui ont apporté leur soutien : « Les premiers à me féliciter ont été les gérants de kebab. Eux aussi savent que multiplier les enseignes, c’est tuer le commerce. »

Le maire n’entend pas en rester là. Faute de levier juridique au niveau local, il a interpellé sénateurs et députés pour réclamer une régulation nationale. Son idée : instaurer des quotas, à l’image de ce qui existe déjà pour les pharmacies ou les licences de taxi. « On pourrait fixer un seuil par tranche de 1 000 habitants, par exemple. Cela éviterait la saturation et redonnerait une chance aux commerces traditionnels », avance-t-il.

Mais le maire de Fère-en-Tardenois n’est pas le seul à livrer bataille contre les kebabs, pizzerias et autres fast-foods, en avril dernier, le maire de Clermont-sur-Oise, Lionel Ollivier, confiait, dépité, sur la radio RMC : « J’ai 5 barber shops pour 10.000 habitants et 5 kebabs… Je n’ai pas la main. Il faut des magasins divers et variés ». Même son de cloche à Creil où la municipalité réfléchit à une politique visant à « diversifier » l’offre de restauration.

Et pour cause. En l’espace de vingt ans, le marché a explosé. En 2022, on comptait 48.300 restaurants rapides, contre seulement 13.000 en 2000. Un constat d’autant plus vrai pour les kebabs, bête noire des maires. Chaque seconde, 11 sandwichs sont consommés dans l’Hexagone. Plus de 11.000 kebabs sont installés sur le sol français, soit 9000 de plus que le nombre de restaurants McDonald’s.

Un village à défendre

Si la question des fast-foods occupe aujourd’hui les discussions, Jean-Paul Roseleux rappelle que Fère-en-Tardenois a bien d’autres atouts : un château Renaissance qu’il espère rénover, un riche passé historique, et même la meilleure baguette des Hauts-de-France, récemment sacrée. « C’est un cadre de vie exceptionnel, à une heure de Paris et à deux pas de Reims. Il faut défendre nos villages et préserver leur identité », insiste-t-il.

Passer la publicité

Et de conclure, en reprenant une formule qu’il affectionne : « Comme disait Citroën : parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi. » Cette fois, le maire aura au moins réussi à placer sa commune sous les projecteurs, quitte à rouvrir un débat qui dépasse largement les frontières de son village.