Russie : le Français Laurent Vinatier voit sa peine de trois ans de prison confirmée en appel

L'appel de Laurent Vinatier a été rejeté. Un tribunal moscovite a maintenu en appel, lundi 24 février, la condamnation à trois ans de prison du chercheur français pour ne pas s'être enregistré en tant qu'"agent de l'étranger". Paris dénonce une condamnation "arbitraire".

La Russie a été accusée dans le passé par les Occidentaux d'arrêter des ressortissants étrangers pour ensuite négocier des échanges de prisonniers. Les relations entre Moscou et Paris sont en outre glaciales, depuis que le Kremlin a déclenché il y a trois ans un assaut à grande échelle contre l'Ukraine.

"Le verdict du tribunal (de première instance) Zamoskvoretski" concernant Laurent Vinatier "reste inchangé", a annoncé la juge d'appel, Tatiana Sokolova, à l'issue d'une audience express, à laquelle des journalistes de l'AFP étaient présents.

À l'énoncé de la sentence, des larmes perlaient dans les yeux du condamné.

La France demande la "libération immédiate de Laurent Vinatier"

Le ministère français des Affaires étrangères a dans l'après-midi dénoncé cette décision de la justice russe.

Le Français "a été arbitrairement condamné" en octobre 2024 en première instance, a déploré le Quai d'Orsay, demandant "la libération immédiate de Laurent Vinatier" et l'abrogation de la loi sur les "agents de l'étranger", qui "contribue à une violation systématique des libertés fondamentales en Russie".

Incarcéré depuis juin 2024, ce chercheur spécialiste de l'espace post-soviétique était employé sur le sol russe par le Centre pour le dialogue humanitaire, une ONG suisse qui fait de la médiation dans des conflits hors des circuits diplomatiques officiels, notamment s'agissant de l'Ukraine.

Les autorités russes accusaient Laurent Vinatier, 48 ans, d'avoir manqué à son obligation de s'enregistrer sous le label d'"agent de l'étranger" alors même qu'il collectait des "informations dans le domaine des activités militaires" pouvant être "utilisées contre la sécurité" de la Russie.

Les autorités russes utilisent depuis des années le statut d'"agent de l'étranger" pour réprimer leurs détracteurs, mais c'est la première fois qu'un non-Russe est incarcéré pour ce motif.

L'intéressé avait reconnu les faits tout en plaidant l'ignorance.

"Je reconnais ma culpabilité et je présente mes excuses à la Russie pour ne pas avoir respecté ses lois", a-t-il répété en russe lundi au tribunal, le visage pâle.

Le 14 octobre dernier, le tribunal Zamoskvoretski de Moscou l'avait condamné à trois ans de prison ferme, un verdict jugé "sévère" par les avocats de Laurent Vinatier, qui avaient aussitôt annoncé leur intention de faire appel.

Discrets efforts diplomatiques

Selon des sources interrogées par l'AFP, le Français travaillait depuis des années sur le conflit entre la Russie et l'Ukraine, avant même l'invasion russe à grande échelle de février 2022, dans le cadre de discrets efforts diplomatiques en parallèle à ceux des États.

Jusqu'à son arrestation, il effectuait des voyages dans les deux pays.

Cette affaire est survenue à un moment où les relations entre Moscou et Paris sont délétères : la Russie a été accusée d'une série d'actes de déstabilisation et de désinformation sur le territoire français, tandis que la France se voit reprocher son soutien militaire à l'Ukraine ou encore de censurer les médias russes.

Dans un tel contexte, Le Monde, le premier quotidien français, avait dénoncé début février "l'expulsion déguisée" de son correspondant dans la capitale russe, dont l'accréditation de presse venait d'être "annulée".

Cette décision était présentée par la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, comme une "mesure de riposte" au refus par Paris de délivrer à deux reprises un visa à un journaliste russe du quotidien Komsomolskaïa Pravda. Les autorités françaises ont quant à elles laissé entendre que l'intéressé, considéré comme proche du pouvoir russe, n'était pas un véritable reporter.

La semaine dernière, le chef de l'État français Emmanuel Macron a qualifié la Russie de "menace existentielle pour les Européens".

Ces dernières années, plusieurs Occidentaux, en particulier des Américains, ont été arrêtés en Russie et visés par de graves accusations. Washington a dénoncé des prises d'otages pour obtenir la libération de Russes détenus à l'étranger. Plusieurs échanges de ce type ont eu lieu.

Le dernier en date, ce mois-ci, a servi de prélude à la reprise du dialogue américano-russe, le président américain Donald Trump adoptant un ton conciliant à l'égard de la Russie et très critique de l'Ukraine.

Avec AFP