« Les prédateurs, dans la musique, on les connaît tous. Mais tout le monde se tait », dénonce la chanteuse Suzane

« Les prédateurs, dans la musique, on les connaît tous. Mais tout le monde se tait », dénonce la chanteuse Suzane

« Je fais partie des jeunes femmes qui ont dû se construire sur des agressions sexuelles, sur un viol si on veut être précis », témoigne Suzane auprès de l’AFP. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Avec son nouveau titre Je t’accuse, la chanteuse dénonce les violences sexuelles qui laissent tant de cicatrices et dont elle n’est pas sortie, elle-même, indemne.

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« Le procès Pelicot  a contribué à libérer ma parole » : Suzane a livré jeudi Je t'accuse, une chanson « exutoire » qui dénonce les violences sexuelles et sexistes. Elle affirme pour la première fois en avoir subi. « Tous les monstres ne sont pas que dans les salles de cinéma », lance Suzane dans ce titre, prélude à un quatrième album attendu à l'automne. Au départ, « je crache cette chanson » devant un piano, « avec mes tripes », se remémore la chanteuse pop de 34 ans, connue pour son engagement féministe.

Pour le clip, elle a fait appel à l'actrice et réalisatrice Andréa Bescond (Les Chatouilles), engagée contre les violences sexuelles et sexistes. Des victimes, connues ou anonymes, et des militants défilent sur un fond noir, la plupart en gros plan face caméra. Parmi elles : l'actrice Muriel Robin, la chanteuse Catherine Ringer, la comédienne Charlotte Arnould qui accuse Gérard Depardieu de viols, le militant des droits de l'enfant Lyes Louffok ou encore Caroline Darian, la fille de Gisèle Pelicot, qui a porté plainte contre son père pour « viol et tentative de viol ». Le collectif Notre Ohrage est aussi représenté, ainsi que La Fondation des Femmes à laquelle les droits d'auteur de la chanson sont reversés.

« Lever la tête »

« Je fais partie des jeunes femmes qui ont dû se construire sur des agressions sexuelles, sur un viol si on veut être précis », survenu « dans un cadre professionnel », affirme Suzane auprès de l’AFP. « Je n'étais pas encore artiste. Je n'avais pas encore ma plume pour me bagarrer. Donc je me suis tue à ce moment-là », ajoute la chanteuse, qui se rappelle avoir eu « honte » et préféré enfouir ses « cicatrices invisibles ». Ce réflexe fait aussi écho à un épisode antérieur, quand elle avait voulu dénoncer, auprès d'une gendarmerie, le «viol subi par une collègue de travail», sans trouver l'écoute attendue, raconte-t-elle.

Après des années d'évitement, « je crois que je suis arrivée au moment où je peux en parler », constate Suzane, émue mais fière de « lever la tête ». L'artiste salue d'ailleurs la libération de la parole à la faveur de #Metoo, mais estime que cette lame de fond ne va pas assez loin.

Je n’ai pas voulu citer son nom dans la chanson, je n’ai pas voulu lui donner de l’importance. Mais je voulais qu’il comprenne que mon combat, par contre, il était important. Et que je le mènerai jusqu’au bout.

«Je pointe du doigt la justice dans cette chanson, parce que je parle à la société. Particulièrement à l'Etat : est-ce que la justice aujourd'hui, en France, peut faire son travail ? Est-ce qu'elle a assez de moyens ? », questionne-t-elle. Dévoiler Je t'accuse au public fut « une victoire », considère Suzane, critiquant au passage l'utilisation du mot « victime », qu'elle juge associé à la faiblesse. « Toutes les victimes que j'ai pu croiser sont des guerrières. Parce qu'il y a forcément un instinct de survie qui se déclenche au moment où on vit des choses comme ça », assure la chanteuse.

Il en faudra encore, à ses yeux, pour faire bouger l'industrie musicale. « Les prédateurs, dans la musique, on les connaît tous. Mais tout le monde se tait », balance Suzane. « J'ai hâte qu'il y ait assez de preuves. J'ai l'impression que ça va arriver, il faut le temps », ajoute-t-elle, consciente qu'« on peut pas faire du tribunal sur les réseaux ».

Compte-t-elle porter plainte contre son agresseur présumé ? Elle dit y penser mais n'a pas sauté le pas, préférant avancer via la musique. « Je n'ai pas voulu citer son nom dans la chanson, je n'ai pas voulu lui donner de l'importance. Mais je voulais qu'il comprenne que mon combat, par contre, il était important. Et que je le mènerai jusqu'au bout. »