En Allemagne, nouveau couac retentissant pour le gouvernement Merz
Le dernier jour de la session du Bundestag avant la pause estivale a été le théâtre d’un nouveau coup de théâtre politique retentissant qui illustre la position fragile du chancelier Friedrich Merz. En cause : le renouvellement de trois des juges suprêmes de la cour constitutionnelle de Karlsruhe. Ce processus qui a toujours constitué une simple formalité pour tous les pouvoirs précédents, a échoué. Il a dû être annulé faute de majorité suffisante au sein de la chambre basse du parlement et renvoyé à un nouveau vote en septembre.
Une crise politique majeure
Le groupe CDU-CSU du chancelier est au cœur de cette nouvelle manifestation d’une crise politique majeure qui s’éternise depuis la chute du gouvernement Scholz en novembre et en dépit des élections anticipées du 23 février dernier. Une majorité des 2/3 était nécessaire à l’élection des trois juges. Les députés de droite ont d’abord refusé toute discussion avec Die Linke, indispensables pourtant pour atteindre le seuil consensuel majoritaire obligatoire, arguant qu’ils s’opposaient à toute discussion avec le parti de la gauche allemande comme avec l’AfD (extrême droite).
Le caractère très spécieux de l’argument s’est cependant révélé au grand jour quelques instants plus tard quand une bonne partie des députés de droite s’est déclarée opposée, cette fois, à la candidature d’une des juges, désignées par le SPD, en vertu de la règle institutionnelle. Frauke Brosius-Gersdorf, la magistrate en question, présentait, à leurs yeux, un défaut majeur : elle est favorable à une libéralisation de l’avortement. En dépit d’un paragraphe 218 qui fait de l’IVG une pratique toujours illégitime. Même si elle est désormais « tolérée » jusqu’à 12 semaines grossesse.
Les députés de la CDU-CSU n’ont ainsi pas hésité à mêler leurs voix à celles de l’AfD sur cette question. Ce qui fait resurgir autant la fragilité de l’accord avec le SPD que la tentation très forte au sein du groupe chrétien-démocrate de conclure une alliance avec l’AfD, au moins sur ce thème. Car outre la répression de l’avortement, les programmes des deux partis présentent d’importantes similitudes, sur le terrain des dérégulations économiques et sociales.
Le danger d’une rupture du cordon sanitaire avec l’AfD
Heidi Reichinek, la jeune présidente du groupe Die Linke au Bundestag, a alerté contre une démarche qui présente « tous les caractères préalables à une rupture avérée du cordon sanitaire avec l’AfD », prélude à une collaboration jusqu’au plus haut niveau entre droite et extrême droite.
Cette élection ratée des juges suprêmes est le 3e couac politique d’envergure autour de Friedrich Merz. Le premier, antérieur à l’élection du 23 février, avait été le tollé déclenché par l’accord passé par le candidat Merz de la CDU/CSU avec l’AfD dans l’ancien Bundestag pour obtenir un durcissement des lois migratoires et notamment une quasi-interdiction du regroupement familial. La seconde illustration de cette crise politique fut l’échec historique de l’élection de Merz au 1er tour de scrutin devant le Bundestag, début mai dernier (l’humanité du 6 mai 2025).
Le partenaire social-démocrate de la coalition qui a protesté contre la non-élection de sa candidate à la cour suprême de Karlsruhe, est également dans une position peu enviable. Lars klngbeil, son chef, ministre des finances et vice-chancelier, se voit confronté en effet en interne à une double fronde contre la ligne « militaro-libérale » du gouvernement.
Bruno Odent