«Je préfère un employé efficace en bermuda qu’un glandeur en pantalon» : quand le dress-code estival divise les salariés
TÉMOIGNAGES - Avec les fortes chaleurs, la question des tenues légères au bureau revient systématiquement sur le devant de la scène et les avis demeurent partagés.
Passer la publicité Passer la publicitéLuc* reste traumatisé. Quelques années auparavant, le Bordelais réalisait un stage d’été dans une grande société et arborait, la plupart du temps, un pantalon et un t-shirt. Lorsque le thermostat a grimpé, il a privilégié le short. «Je n’avais jamais entendu parler de dress-code jusqu’alors. Ce jour-là, on ne m’a rien dit non plus à mon arrivée, sauf que dans l’après-midi, mon responsable est venu me voir. Je devais avoir un entretien avec un dirigeant de la boîte dans les jours à venir, et ce collègue m’a - gentiment mais fermement - fait comprendre qu’à cette occasion, mieux vaudrait que je garde le bermuda dans mon placard», se souvient le trentenaire. Depuis ce jour, il porte religieusement des chemises au quotidien. Cette anecdote révèle la radioactivité du débat sur le style vestimentaire en entreprise pendant les périodes de chaleur. En juin, les éboueurs de Niort, dans les Deux-Sèvres, ont par exemple planté le piquet de grève pour défendre le droit de laisser à l’air libre genoux et mollets, une dérogation remise en cause par la communauté d’agglomération du Niortais.
Concrètement, la loi ne fournit pas de réponse claire à la question. Le Code du travail ne comporte aucune disposition sur le sujet car l’habillement n’est pas retenu comme une liberté fondamentale. Aussi l’employeur peut-il, en théorie, apporter certaines limites au regard de l’activité des salariés. Ces restrictions doivent cependant «être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché», précise l’article L1121-1 du Code. Les contraintes acceptées relèvent généralement de la sécurité et du contact avec la clientèle.
Passer la publicitéFace à une jurisprudence de moins en moins restrictive, l’ambiguïté subsiste et Agnès en a fait les frais. Cette responsable de la succursale française d’un établissement bancaire a récemment rencontré le problème avec une de ses subordonnées, basée à Madrid. La jeune femme s’est rendue en short au bureau, et cela n’a pas plu à un manager, qui s’en est plaint. «J’ai cherché une réponse sur Internet, et j’ai trouvé comme seul élément que nous pouvions exiger une tenue appropriée et décente. Il nous revient de définir ce à quoi cela correspond», raconte Agnès. Cette dernière, compréhensive, a discuté avec la concernée, en la mettant en garde. «Je lui ai indiqué de préférer la prudence, elle ne m’a pas écouté, et cela est remonté jusqu’aux ressources humaines allemandes, qui n’ont pas pu agir», rapporte la quinquagénaire.
Attitude rédhibitoire ou tolérance de mise
Les voix s’accordent néanmoins sur l’idée que la capacité à se dévêtir dépend de la culture d’entreprise et de la situation. Roméo* côtoie des structures distinctes en tant que monteur et réalisateur en indépendant. «Je vois rarement les clients finaux et je ne croise même quasiment personne le plus souvent. Je considère donc qu’il n’y a aucune raison pour que je me restreigne, d’autant que je ne choisis pas d’horribles shorts de foot ou des joggings délavés», estime-t-il. Il a néanmoins perçu la différence en fonction de l’ambiance de la société.
«Chez Konbini, les salariés viennent à la cool pour passer la journée derrière leur ordinateur, et quand des stars passent, nous n’avons pas d’interaction avec eux. Même topo pour Disneyland, dans la partie réseaux sociaux. En revanche, au sein de RTL où je gère des émissions avec des personnalités politiques, je m’habille forcément en conséquence», explique le jeune homme. Clément, qui officie dans une division d’une plateforme de vente privée, abonde : «Cela ne me semble pas dérangeant pour certains métiers, comme les designers. Je préfère un employé efficace en bermuda qu’un glandeur en pantalon », affirme l’actif de 57 ans.
L’appréciation dépend également de la personnalité du collaborateur. «Un week-end où je planchais dans l’open space, j’ai vu un cadre important du groupe, réputé pour son sérieux, me rejoindre en bermuda. Cela m’a marqué car la scène s’avérait aussi inattendue que décalée et je n’étais pas le seul à être surpris !», sourit Dimitri*, bientôt trentenaire.
Une attitude que Thibault juge encore rédhibitoire. «Les filles en short ne me choquent pas, alors que je ne tolère pas les bermudas. L’open space ne s’apparente pas à une beach party», tranche le Parisien, rejoint par Myriam, directrice dans une école supérieure. «Il existe des codes, nous ne sommes pas plagistes !», s’emporte celle qui soufflera bientôt ses 56 bougies. Et de soupirer finalement : «J’ai pourtant suivi une formation dernièrement et désormais, nous ne sommes plus autorisés à reprendre nos équipes sur ce thème, sous peine d’être accusé de harcèlement».
Passer la publicité*Le prénom a été modifié.