Remaniement : Amélie Oudéa-Castéra, ministres techniques, aile gauche... Voici les cinq leçons de l'annonce du gouvernement de Gabriel Attal

Un gouvernement resserré, ou presque. Après un mois d'attente qui a mis les nerfs des intéressés à rude épreuve, la liste complète de l'équipe de Gabriel Attal est tombée, jeudi 8 février à 20h30. ​​"Pour compléter mon gouvernement, ça a pris un peu de temps", a lui même reconnu Premier ministre, invité de l'émission "L'Evénement", sur France 2. Ce sont 20 nouveaux ministres qui ont été nommés et qui viennent compléter la première liste des 14 ministres de premier plan. 

Malgré la tonitruante sortie de l'allié historique d'Emmanuel Macron, François Bayrou, les équilibres au sein de la majorité entre les trois composantes - Renaissance, le MoDem et Horizons - restent les mêmes. Le principal fait marquant de cette seconde vague de nominations réside dans le départ du ministère de l'Education nationale d'Amélie Oudéa-Castéra, remplacée par l'ancienne garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Voici ce qu'il faut retenir de l'annonce du gouvernement au complet de Gabriel Attal. 

1 Très fragilisée, Amélie Oudéa-Castéra perd l'Education nationale au profit de Nicole Belloubet

C'est la principale information de cette seconde vague de nominations du gouvernement Attal. Après un mois continu de polémiques diverses, Amélie Oudéa-Castéra est débarquée de l'Education nationale. Son grand ministère n'aura été qu'éphémère, mais cette ancienne joueuse de tennis conserve les Sports, en cette année olympique. "On a vu qu'il y avait un trouble, un malaise, elle s'en est d'ailleurs expliqué, elle s'est excusée. Ce qui nous importe le plus c'est qu'on puisse avancer pour l'école", a justifié Gabriel Attal, sur France 2. Et le chef du gouvernement d'ajouter : "Les conditions n'étaient plus remplies dans l'immédiat." Sur X, Amélie Oudéa-Castéra, qui avait perdu jusqu'au soutien de la majorité présidentielle, s'est dit "honorée" d'avoir servi la communauté éducative. 

Pour la remplacer, c'est une ancienne ministre d'Edouard Philippe qui fait son grand retour. Nicole Belloubet, qui avait été garde des Sceaux de 2017 à 2020 décroche donc le portefeuille de l'Education nationale, elle qui a été rectrice des académies de Limoges et de Toulouse entre 1997 et 2005. Opposée aux suppressions de postes, à l'époque, dans cette dernière académie, elle avait alors choisi de claquer la porte. "C'est une femme issue de la gauche, qui a été rectrice, qui connait très bien le ministère (...) C'est une professeure de droit. Elle a par ailleurs été élue locale", a salué Gabriel Attal sur France 2. Ancienne adhérente du PS, cette ex-membre du Conseil constitutionnel présente en effet l'avantage d'être issue des rangs de la gauche.  

2 Les équilibres politiques restent inchangés, malgré la sortie fracassante de François Bayrou

Son tonitruant communiqué à l'AFP aura largement marqué l'attente de la liste complète du gouvernement de Gabriel Attal. "Sans accord profond sur la politique à suivre, je ne pouvais pas accepter d'entrer au gouvernement", confie François Bayrou, mercredi soir, alors que son nom circulait pour prendre l'Education nationale. Le patron du MoDem, qui n'a prévenu personne, ouvre alors une crise ouverte avec la majorité. "Lunaire", confie à franceinfo un député Renaissance, tandis qu'un conseiller ministériel fustige "un boutiquier qui veut être président".

Jeudi soir, Gabriel Attal a refusé le terme d'"incident" pour qualifier l'épisode Bayrou. Le MoDem conserve bien quatre postes, comme il en avait sous Elisabeth Borne. Mais avec de légers changements : Sarah El Haïry, alors en charge de la Biodiversité, prend le portefeuille de la Jeunesse, de l'Enfance et des Familles ; Jean-Noël Barrot, anciennement au numérique, est à présent en charge de l'Europe. Philippe Vigier, alors ministre des Outre-Mer, est débarqué et est remplacé par Marina Ferrari, députée de Savoie, qui prend le portefeuille du numérique. Marc Fesneau reste lui toujours ministre de l'Agriculture. 

Du côté d'Horizons, le parti d'Edouard Philippe, là aussi, les équilibres sont inchangés. Le contingent est le même que sous le gouvernement Borne : deux ministres. Christophe Béchu reste ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Agnès Firmin Le Bodo, éphémère ministre par intérim de la Santé, est débarquée au profit du député Frédéric Valletoux.

3 L'arrivée de députés spécialistes de dossiers techniques

Une nouvelle fois, l'exécutif se retrouve à piocher dans le vivier de parlementaires de la majorité pour compléter l'équipe d'Attal. Frédéric Valletoux, député Horizons, est ainsi un spécialiste reconnu des questions de santé. S'il n'est pas médecin, il a eu le temps de découvrir l'écosystème en occupant pendant onze ans la fonction de président de la Fédération hospitalière de France (2011-2022), qui regroupe la majeure partie des établissements publics de santé. Pendant la crise du Covid-19, Frédéric Valletoux avait plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme sur la situation des hôpitaux submergés.

Marina Ferrari, qui vient du MoDem, et a été élue députée en 2022. Elle connaît très bien le secteur du numérique, elle qui a conservé à mi-temps son poste de cadre dans une start-up savoyarde qui conçoit des applications pour smartphones. C'est "un domaine que je connais car j’ai travaillé dix ans dans le numérique, dans deux entreprises différentes", a-t-elle confié, sitôt l'annonce de sa nomination connue, au Dauphiné Libéré. Au poste du très important portefeuille du Logement, on retrouve le député Renaissance Guillaume Kasbarian, reconnu, mais pas apprécié par tout le monde (voir ci-dessous). 

Marie Guévenoux, cadre historique de Renaissance et députée de l'Essonne, première femme questeure de l'Assemblée nationale, hérite de son côté du portefeuille des Outre-mer. Cette femme politique d'expérience n'est pourtant pas reconnue sur les sujets ultra-marins, ce qui fait déjà grincer des dents. "Cette nomination nous laisse un peu pantois. On ne comprend pas, elle n’y connait rien à nos territoires", a ainsi réagi auprès de La 1ère Davy Rimane, le président guyanais de la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale.

4 L'arrivée de Guillaume Kasbarian au Logement hérisse la gauche et les associations

Son nom circulait depuis des semaines pour le poste : Guillaume Kasbarian hérite donc du portefeuille du Logement. Le député Renaissance n'est pas un inconnu pour ce secteur en crise ; avec Aurore Bergé, c'est lui qui a porté une loi qui durcit les peines contre les squatteurs. Le texte, critiqué pour sa fermeté envers les personnes qui ne paient plus leurs loyers, a été adopté en juin 2023 par le Parlement.

Cette nomination a été immédiatement contestée par une partie du secteur du logement. Sur franceinfo, Pascal Brice, président de la fédération des acteurs de la solidarité, voit dans l'arrivée de Guillaume Kasbarian à ce ministère "une véritable provocation", mot qui revient dans les mots de nombreux élus de gauche. "C'est un terrible revers pour toutes les associations", a fustigé la tête de liste écologiste aux élections européennes, Marie Toussaint. Pour Mathilde Panot, patronne des députés LFI, il s'agit d'"un crachat aux visages des 4 millions de personnes mal logées et 330 000 personnes sans-abris".

Le langage est plus modéré en dehors de la gauche et des associations. Mais l'attente est très forte et les demandes nombreuses : "Je l'appelle clairement à renoncer à réformer la loi SRU qui serait une catastrophe pour l'égalité républicaine", a par exemple déclaré à l'AFP Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat.

5 Les cadres de l'"aile gauche" quittent définitivement le gouvernement

Pour eux, l'aventure gouvernementale est officiellement terminée. Olivier Véran, Clément Beaune et Olivier Dussopt, souvent assimilés à l'aile gauche du gouvernement depuis sept ans, pour certains, ne travailleront pas aux côtés de Gabriel Attal. Si le premier d'entre eux avait confirmé sa volonté de ne pas prolonger au Travail ou ailleurs, le second, qui s'était opposé à la ligne gouvernementale sur la loi immigration, n'était pas aussi définitif. Enfin, Olivier Véran, à la Santé de 2020 à 2022, a été remplacé par Prisca Thevenot au porte-parolat.  

Désormais, ces ex-ministres vont faire leur retour sur les bancs de l'Assemblée nationale, en compagnie d'Elisabeth Borne, qui a repris le chemin de sa circonscription, jeudi. Quels rôles auront ces figures dans la majorité ? "Il va falloir les gérer", soupirait fin janvier un cadre de Renaissance en imaginant leur nouvelle vie de députés. "Olivier Véran, ça serait un enfer. Ce serait lui qui mettrait le plus le bazar. Olivier Dussopt va revenir découper des têtes dans l'opposition." Se pose également la question de savoir si ces élus vont vouloir s'émanciper au sein d'un groupe de gauche au Palais Bourbon, objet de rumeurs récurrentes au début de l'année.