Macron, Merz et la cocaïne… Une fausse information créée par l’extrême droite française

"Nous voulons un dépistage pour le président, nous voulons un test urinaire", clame une internaute dans une vidéo diffusée sur X. Elle affirme qu'Emmanuel Macron a consommé de la cocaïne avec le chancelier allemand Friedrich Merz dans le train qui les amenait en Ukraine dans la nuit de vendredi 9 à samedi 10 mai, pseudo preuve à l'appui.

Cette internaute, comme 47 000 autres - principalement anglophones - en trois jours, selon les données collectées par le Vrai ou Faux, partage une vidéo, filmée par un journaliste, d'une rencontre entre le président français et le chancelier allemand. Elle assure que le président français a caché un sachet de cocaïne et que le chancelier allemand a dissimulé une cuillère pour snifer de la drogue. "Lorsque les journalistes ont débarqué dans la pièce, je pense qu'ils n'étaient pas prêts, raconte l'internaute. [Emmanuel Macron] prend tout doucement et il range dans sa poche le pochon, et son collègue qui est à sa gauche, il prend la cuillère pour la ranger discrètement."

Rumeur rapidement démentie par l'Élysée qui dénonce une fausse information et des manipulations. Le Vrai ou Faux a retrouvé l'origine de la fausse information.

L'Élysée dénonce une "manipulation"

En regardant des images de meilleure qualité de la rencontre, on s'aperçoit vite qu'Emmanuel Macron cache en fait un mouchoir usager et Friedrich Merz une petite pique à cocktail en bois.

"Quand l'unité européenne dérange, la désinformation va jusqu'à faire passer un simple mouchoir pour de la drogue", dénonce l'Élysée. "Cette fausse information est propagée par les ennemis de la France, à l'extérieur comme à l'intérieur. Vigilance face aux manipulations."

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot soupçonne aussi des ingérences étrangères et cible assez clairement la Russie dans un message publié sur X. Partageant un post notamment de Kirill A. Dmitriev, un conseiller de Vladimir Poutine, et de Maria Zakharova, la porte-parole de son homologue russe, le ministre français écrit en anglais : "Nous vous voyons ! Si désespérés à essayer d'empêcher la paix en Ukraine que vous propagez maintenant des infox flagrantes. C'est irresponsable - et nul."

Mais, selon les informations du Vrai ou Faux, cette rumeur n'est a priori pas le fruit d'une campagne de désinformation de la Russie. En tout cas, elle ne résulte pas d'une campagne de désinformation classique en provenance de Russie, qui passe par la publication en masse du même message ou presque pour le propager rapidement sur les réseaux sociaux.

Une fausse information qui provient de la sphère d'extrême droite française

Tout semble provenir d'une conversation entre deux internautes, qui commentaient la vidéo de la rencontre publiée sur les réseaux sociaux. Vendredi à 18h, l'un écrit : "Avez-vous vu les petits sachets blancs sur la table ? Subrepticement retirés par Pinocchio." Puis un deuxième internaute reprend ce pseudo-constat dans une nouvelle publication, qui sera vue au moins un million et demi de fois, avant d'être mise hors ligne.

Selon nos informations, ces deux internautes évoluent dans l'éco-système de l'extrême droite sur les réseaux sociaux. Ils sont très anti-Macron et opposés à un engagement de la France en Ukraine. L'un d'eux propage régulièrement de fausses informations sur Emmanuel Macron. Dans les jours qui ont précédé, il a notamment affirmé que le président avait été "mis en place pour détruire le pays", sans préciser par qui il aurait été mis en place mais la formulation passive et mystérieuse évoque de nombreuses théories du complot sur un État profond qui placerait des dirigeants fantoches à la tête des pays occidentaux. Il a aussi assuré que les personnes qui saluaient le président lors des cérémonies du 8 mai étaient des "figurants".

Une rumeur reprise dans le monde entier

Depuis, la fausse information a fait le tour des réseaux sociaux, comme une traînée de poudre. Créée à l'extrême droite française, propagée par des influenceurs ou des personnalités politiques de ce bord politique, comme Nicolas Dupont-Aignan de Debout la France, amplifiée par l'extrême droite américaine et ses influenceurs, comme Alex Jones, avant d'être reprise dans d'autres pays européens et instrumentalisée par la Russie.

Et pour cause, c'est une fausse information extrêmement efficace. Elle s'appuie sur une défiance préexistante envers les élites, qui seraient déviantes moralement et qui se permettraient tout, tout en privant le peuple de liberté. Elle profite aussi de la viralité permise par les réseaux sociaux, de la porosité des extrêmes droites occidentales. Et elle est quasiment impossible à démentir. Toute personne qui le fait est immédiatement accusée d'être à la botte du pouvoir. Autant de choses qui font de la désinformation une arme politique redoutable.