Brexit, guerre en Ukraine, immigration... On vous résume les enjeux de la visite d'Etat d'Emmanuel Macron au Royaume-Uni
Il sera l'invité du roi Charles III. Emmanuel Macron effectue une visite d'Etat au Royaume-Uni du mardi 15 au jeudi 17 juillet, dix-sept ans après la dernière venue officielle d'un chef d'Etat français outre-Manche, quand Nicolas Sarkozy était reçu par la reine Elizabeth II en 2008. Le président de la République se rend à Londres avant son homologue américain Donald Trump, attendu lui en septembre. Son déplacement sera ponctué par un discours au Parlement britannique mardi et une série d'annonces sur la défense ou l'immigration sur fond de rapprochement après le Brexit. Voici les enjeux de cette visite très politique, en plus d'être royale.
Relancer la relation entre le Royaume-Uni et l'UE
Il s'agit de la "première visite d'Etat d'un chef d'Etat de l'Union européenne au Royaume-Uni depuis le Brexit", effectif depuis 2020, relève la présidence française. Les relations entre la France et le Royaume-Uni se sont réchauffées après les années de tension liées à la sortie des Britanniques de l'Union européenne, et ce encore plus depuis l'arrivée au pouvoir du travailliste Keir Starmer. Cette visite s'inscrit ainsi dans la volonté de relance de la relation entre le Royaume-Uni et l'UE affichée par le Premier ministre depuis juillet 2024, souligne l'Elysée.
Ce rendez-vous bilatéral viendra parachever "les éléments de ce 'reset' du Royaume-Uni avec l'Europe", promet encore l'Elysée, pointant "une reconvergence" autour "d'intérêts partagés". En mai, les Vingt-Sept et Londres ont signé un accord sur plusieurs sujets, avec, en premier lieu avec la signature d'un "partenariat de défense et de sécurité". Un sommet réunira jeudi, outre Emmanuel Macron et Keir Starmer, une douzaine de ministres des deux pays, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Intérieur, de l'Energie et du Commerce. (Nouvelle fenêtre)
Renforcer la coopération en matière de défense
Les deux pays entendent renforcer leur coopération en matière de défense, gravée dans le marbre par les accords de Lancaster House en 2010, qui doivent désormais répondre au retour de la guerre en Europe avec l'invasion russe en Ukraine. Les accords vont être "adaptés à cette nouvelle réalité stratégique profondément changée", a souligné l'Elysée sans dévoiler les annonces à venir.
Les négociations ont porté "à la fois sur le volet nucléaire, le volet opérationnel et le volet capacitaire", a seulement précisé un conseiller présidentiel, les deux pays coopérant déjà sur la fabrication de missiles. La France et le Royaume-Uni sont les deux seuls pays européens dotés de la bombe nucléaire. Le président Emmanuel Macron s'est déjà dit prêt à discuter avec d'autres pays européens du déploiement d'avions français équipés de l'arme atomique. De son côté, le Royaume-Uni a annoncé fin juin qu'il allait participer à la dissuasion nucléaire aéroportée de l'Otan, avec des avions de chasse F-35A, en complément de la dissuasion par sous-marin dont il dispose aujourd'hui.
Le Premier ministre britannique et le président français co-présideront jeudi, en visioconférence depuis la base de Northwood, près de Londres, une réunion des pays "volontaires" pour un renforcement de la défense de l'Ukraine face à la Russie, d'après l'Elysée. Ils échangeront avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky et d'autres dirigeants, dont le chancelier allemand Friedrich Merz et la Première ministre italienne Giorgia Meloni, qui seront réunis à Rome au même moment pour une conférence sur la reconstruction de l'Ukraine, ainsi qu'avec d'autres responsables dans d'autres capitales, a indiqué la présidence française. "Il y aura certainement une réflexion sur comment maintenir sérieusement l'Ukraine en capacité de combat", assurer la "régénération de l'armée ukrainienne" et déployer "le moment venu une force de réassurance dans le cadre d'un cessez-le-feu", a précisé l'Elysée.
Lutter contre l'immigration illégale sur la Manche
Un autre sujet, plus épineux, est sur la table : l'immigration illégale. Les nombreux départs depuis la France seront au cœur des discussions, sachant que Londres finance une partie des moyens français dans ce secteur à la frontière franco-britannique. Paris souhaite pouvoir intervenir dans les eaux peu profondes et arrêter les "taxi-boats" de migrants jusqu'à 300 m des côtes françaises. Aujourd'hui, les forces de l'ordre ne peuvent intervenir que pour porter secours à une embarcation en mer, conformément au droit de la mer qui repose sur des conventions internationales.
Dans la pratique, les méthodes des forces de l'ordre françaises pour intercepter les migrants se durcissent. "Nous voyons de nouvelles tactiques utilisées pour perturber ces bateaux avant qu'ils ne commencent leur voyage", s'est félicité le gouvernement britannique, après qu'un bateau de migrants a été lacéré vendredi par des gendarmes près de la plage de Saint-Etienne-au-Mont (Pas-de-Calais). Les policiers, déployés en nombre sur le littoral français, interviennent aussi jusqu'au bord de l'eau, utilisant notamment des gaz lacrymogènes. "Ils veulent rendre la mer infranchissable, mais c'est impossible. Et ça passera forcément par des moyens violents", estimait auprès de franceinfo Charlotte Kwantes, de l'association Utopia56.
Sur ce sujet, les annonces d'Emmanuel Macron devront attendre jeudi. Le sommet abordera "à la fois la coopération concrète en matière de lutte contre les franchissements illégaux, de lutte contre les passeurs et leur modèle économique, mais aussi le traitement d'enjeux plus structurels liés à l'attractivité du Royaume-Uni" pour les migrants, relève seulement l'Elysée. En 2024, quelque 36 800 arrivées sur les côtes britanniques ont été recensées, soit une augmentation de 25% par rapport à 2023, et 78 migrants sont décédés. Un triste record.