Comment l’appétit croissant des consommateurs pour le poulet dégrade la balance commerciale de la France
Les Français adorent le poulet, au point que la volaille est devenue la viande la plus consommée en 2024 en France. Mais cet appétit croissant n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie française. Comme le soulignait cette semaine l’Anvol, l’interprofession de la filière, si la production nationale «reprend du terrain» en 2024, elle «reste insuffisante pour répondre au bond de la demande». Conséquence : une envolée des importations, donc une dégradation d’année en année du solde commercial du poulet, et in fine de la balance du commerce tricolore.
Avec 31,6 kg de volailles consommés (à domicile et hors domicile) par chaque Français en 2024 en moyenne - dont 24,9 kg de poulets -, la filière «vient de franchir une étape historique en France», se félicitent les éleveurs. «Il s’agit désormais de la viande la plus appréciée du pays», dépassant le porc, se réjouissent-ils, grâce à un bond de sa consommation de près de 10% entre 2023 et 2024, et de 15% depuis 2019. «Son prix plus accessible a joué, ainsi que la facilité à cuisiner ses filets, cuisses, ou autres morceaux», estime Patrick Pageard, vice-président de l’Anvol, cité par Les Échos.
«Ce succès reste cependant un succès en demi-teinte car, si la production française a aussi progressé [...], cette progression est insuffisante pour contenter tout le monde», souligne néanmoins la Coopération agricole. Après avoir été décimée par des vagues successives de grippe aviaire, la production a «retrouvé son niveau d’avant-crise» en 2024, constate l’Anvol, grâce au «succès de la vaccination». Elle a ainsi connu une hausse de plus de 12% en 2024 par rapport à 2023, et était supérieure de 1,1% à son niveau de 2019.
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Une explosion des importations de 36,9% en cinq ans
«Cette reprise est un premier pas pour contenir la part des importations dans la consommation nationale», juge l’Anvol. «Mais leur proportion se maintient à un niveau extrême», reconnaît l’interprofession. Plus de quatre volailles consommées sur dix sont en effet importées (41%), dont près d’un poulet sur deux (48%). «Une proportion en léger recul par rapport aux 50 % de 2023, grâce à la reprise de la production en France à +10,3 % pour les poulets», note l’Anvol, qui note tout de même une hausse des importations de 4,4 % en 2024. La part de poulets importés dans la consommation reste néanmoins sur une tendance croissante ces dernières décennies. En 2000, seul un poulet sur quatre était en effet importé. Sur les cinq dernières années, le volume de poulet importé a «bondi de +36,9%, soit environ 222.000 tonnes supplémentaires de poulets arrivés sur le sol français», relève l’interprofession. Ce que soulignait déjà la Cour des comptes dans un rapport sur la filière volaille en septembre dernier, pointant «un marché national de plus en plus dépendant aux importations».
Une augmentation due notamment aux importations venues de Pologne, multipliées par cinq depuis 2010 et premier fournisseur en volailles de la France. La Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne arrivent ensuite. Ces quatre pays «assurent plus des deux tiers des volumes des importations françaises de viande et préparations de poulet», indiquait le récent rapport de la Cour des comptes.
Résultat, le solde commercial de la France en matière de volailles - soit la différence entre la valeur des exportations et des importations - est sur une pente dangereuse. En 2024, en valeur, il s’est dégradé, à -1,251 milliard contre -1,249 milliard en 2023. En volume, il s’est toutefois stabilisé sur un an, à -445.500 tonnes en 2024 contre -452.000 tonnes en 2023. Sur le seul poulet, le déficit est encore plus marqué.
Pour lutter contre ces importations massives, la filière «en appelle à la mobilisation de tous les acteurs, des autorités jusqu’aux citoyens», avec l’objectif de construire 400 poulaillers en cinq ans. «Soit un bâtiment par an et par département», résumait récemment dans nos colonnes Yann Nédélec, directeur de l’Anvol. Les producteurs réclament également du gouvernement qu’il stoppe «les importations de volailles qui seraient interdites de production en France», mette «fin à la surtransposition des règles européennes» et étende «l’étiquetage de l’origine des volailles à tous les débouchés et toutes les occasions de consommation».