Finale PSG-Inter Milan : et si un sacre parisien en Ligue des champions était une bonne nouvelle pour l’OM ?
Sur le Vieux Port, même le Mistral retient son souffle. Alors que le PSG défie l’Inter Milan, samedi 31 mai en finale de Ligue des champions, Marseille s’inquiète de voir le grand rival parisien mettre la main sur la "coupe aux grandes oreilles". Un honneur que seul l’OM a connu en France, un soir de mai 1993, face à l’AC Milan. Alors, forcément, le peuple phocéen espère une défaite parisienne en finale.
Une posture qui interroge parfois en France, bien qu’à l’étranger, personne ne s’étonne de voir les Barcelonais souhaiter la défaite du Real Madrid, les Munichois celle du Borussia Dortmund, ou les Turinois celle des Milanais. Dans la même logique, tous les Marseillais espèrent un revers parisien, en finale. À l’image de Medhi Benatia, directeur sportif marseillais, interrogé sur RMC : "À ce jour on est les seuls, et j'aimerais bien que ça continue". Pourtant, un sacre parisien pourrait faire du bien à l’OM.
Les gloires phocéennes divisent
A tel point que plusieurs gloires marseillaises ont affiché leur désaccord, à l'image de Basile Boli, unique buteur lors du sacre olympien de 1993 et donc symbole ultime de ce triomphe européen de l'OM. "C'est vrai que mon cœur reste bleu et blanc mais... Je suis derrière le Paris-Saint Germain parce que représenter la France c'est quelque chose d'important pour moi", a avoué celui qui est ambassadeur de l’OM, et donc salarié du club, depuis 2015.
Même l’emblème Zinédine Zidane, interrogé par Canal+, a avoué à demi-mot sa préférence : "Je vais regarder la finale, bien sûr. Même moi qui suis Marseillais... Il va falloir que l'équipe française gagne." Même son de cloche du côté de Didier Deschamps, capitaine de l'OM sacré en 1993 puis entraîneur lors de la dernière péroide dorée du club phocéen : "Même si j'ai un passé marseillais, ça me paraît tellement évident… Évidemment que ce serait la meilleure des choses pour le football français".
Autre grand nom phocéen qui a pris partie pour le PSG : Jean-Pierre Papin. En 2020, lors de la première finale parisienne, le Ballon d'or 1991 s’était en effet positionné en faveur du PSG : "On est trop malmenés par la presse étrangère par rapport à nos résultats en Ligue des Champions. Maintenant, ça suffit, il faut qu'on montre qu'on est capables". Car, au-delà de l'indice UEFA tricolore qui ressortirait forcément plus fort après un sacre parisien, il en va du prestige et du crédit des clubs français sur la scène européenne.
Des sorties que beaucoup de supporters olympiens ne digèrent pas, eux qui ne conçoivent pas que Paris puisse rejoindre l'OM au club des vainqueurs de Ligue des champions. "Si le PSG gagne, on félicitera chaleureusement le Qatar pour son premier trophée continental", tacle ainsi Léo, habitué du virage sud du Vélodrome depuis 40 ans. Il ajoute : "32 ans après nous, et malgré des milliards dépensés, s’ils gagnent, on restera à jamais les premiers". Membre des Marseille Trop Puissant (MTP), Fred complète : "Si le PSG la gagne, ça n’enlèvera rien à notre histoire, mais, pour certains, l’OM perdrait le statut de plus grand club français, et ça fait un peu chier."
Avoir un passé, mais ne pas vivre dedans
"Il y a déjà un gouffre entre Paris et les autres clubs français. Rester la seule équipe française qui a gagné la Ligue des champions nous permettrait d’exister encore un peu dans cette domination parisienne", souffle Valentin, membre des South Winners. "Je n’ai pas envie que Paris gagne, pas seulement pour que l’OM reste le seul club français vainqueur de la C1, mais parce que le PSG ne la mérite pas. Si ça avait été un autre club français en finale, n’importe lequel, je l’aurais moins mal vécu", assure Emilie, abonnée depuis plus de vingt ans chez les MTP.
"Le PSG n’a aucun mérite de part son attitude, sa politique et son financement par le Qatar. C’est facile d’en arriver là avec les moyens disproportionnés qu’ils ont. Ils jouent dans une autre cours financièrement, qui fausse tout l’intérêt. Ils vont fanfaronner sur une victoire pour laquelle ils n’ont que peu de mérite, voire pas du tout."
Emilie, membre des MTPà franceinfo: sport
D'autres supporters marseillais, moins bruyants, prennent toutefois un peu de recul sur l'évènement. Sans aller jusqu'à supporter le PSG pour la finale, une partie des amoureux de l'OM reconnaît qu'un sacre européen du PSG pourrait, paradoxalement, faire du bien au club phocéen. "Ça nous forcerait à arrêter de vivre dans le passé", résume Benjamin, abonné de longue date dans le virage sud du Vélodrome.
Car, certes, l’OM a réalisé le plus grand exploit du football français de club en 1993. Mais, depuis, le club phocéen patine. La preuve : depuis la folle nuit de Munich, Marseille n’a gagné qu’un championnat et trois Coupes de la Ligue. Un bien maigre bilan en 32 ans, souvent masqué par cette victoire européenne de 1993.
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"On sait que, tôt ou tard, le PSG va la gagner aussi. S’ils le font, on ne pourra plus se cacher derrière notre sacre. Après un titre en 32 ans, on va devoir se regarder dans la glace et redevenir un club qui gagne", espère ainsi Arthur, supporter marseillais depuis 28 ans, qui préférerait "célébrer des titres de l'OM plutôt que des défaites du PSG."
"Tout le monde est conscient que l’OM vit encore sur cette victoire de 1993, ça serait bien de gagner autre chose au bout d’un moment. Ca va peut-être piquer l’égo du club et de son environnement. On doit retrouver de l’ambition, et ce sacre du PSG pourrait aider."
Emilie, membre des MTPà franceinfo: sport
Fred ne souscrit pas totalement à cette thèse : "Ce n’est pas vivre dans le passé que d’être fiers et de célébrer notre histoire. D’ailleurs, on ne serait pas en crise tous les six mois si on vivait dans le passé…". Mais cet habitué du virage nord confie toutefois sentir "les débuts d’une lassitude générale, avec la victoire de 1993 qu'on nous rabâche, même si ça reste notre plus grande fierté, et que ça fait qu’on rayonne encore à l’international."
À ses yeux, le problème n’est pas que l’OM vit trop dans le passé, mais que les succès de l’ère Tapie ont mis la barre trop haute : "C’est une anomalie positive dans toute l’histoire de l’OM, en fait : le statut de l’OM n’a jamais été d’être un des cinq plus gros clubs européens. Ça n’a été le cas que sous Tapie. L’ère Tapie a créé une exigence démesurée chez certains supporters, comme si on supportait le Real Madrid. Aujourd’hui, on se compare trop à cette époque, c’est un problème". Une époque qui paraîtrait lointaine, et définitivement révolue, si un autre club Français réalisait le même exploit. Ce qui forcerait l'OM à regarder d'avantage vers l'avant, que vers le passé. Pour son plus grand bien ?