Photographies déchirées, murs tagués... Une exposition féministe vandalisée à Nîmes

L’exposition Benzine cyprine de Kamille Lévêque Jégo est désormais fermée au public, après que les locaux et les œuvres ont été vandalisés. Kamille Lévêque Jégo/NegPos Centre d’art et de photographie

L’exposition Benzine Cyprine, qui décline le thème des gangs féminins, a été saccagée dans la nuit du 25 au 26 avril, au Centre d’art et de photographie NegPos.

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« Je l’interprète comme une attaque vis-à-vis de la femme telle que je la représente. » Sur les réseaux sociaux, la photographe Kamille Lévêque Jégo ne décolère pas. Son exposition Benzine Cyprine présentée Centre d’art et de photographie NegPos de Nîmes a été vandalisée dans la nuit du 25 au 26 avril. La nouvelle a été relayée par les médias locaux dont Midi Libre .

L’exposition, qui devait se terminer le 13 juin, présente des clichés qui vont à l’encontre des « figures mièvres, complaisantes et hypersexuées de la femme ». Kamille Lévêque Jégo s’amuse à détourner les codes des films de gangs, de bikers et de Quentin Tarantino, pour tourner en ridicule les stéréotypes de « femmes vulnérables, infantiles et dépréciables ». Une photo met en scène des femmes qui jettent un cocktail molotov sur un mur de briques. Sur une autre, un bagarre les oppose à un groupe d’hommes.

Mais depuis ce week-end, « l’exposition est complètement détruite », regrette Kamille Lévêque Jégo sur les réseaux sociaux. Les tirages, une trentaine, ont été «arrachés des murs, piétinés, graphés et tagués de symboles phalliques ». Les murs ont également été saccagés et certains cadres abîmés. Certains tirages sont à refaire, les murs sont à repeindre et la scénographie doit être réorganisée. « Ça ne vole vraiment pas haut », déplore la photographe. Les suspects auraient facilement pu s’introduire dans les lieux moins sécurisés depuis deux semaines, à cause d’un incendie ayant provoqué un court-circuit électrique, explique Patrice Loubon, président du Centre d’Art à Midi Libre. Ce n’est par ailleurs pas la première fois que des individus s’introduisent dans la galerie. Le 17 avril, la fenêtre avait été enfoncée et la porte de l’atelier dégondé.

Deux plaintes ont été déposées : une pour l’incident du 17 avril et une autre pour le vandalisme de Benzine Cyprine. « C’est la testostérone masculine qui s’est mise en action et revendique l’imposition du sexe mâle sur le féminin, avec violence et médiocrité. C’est horrible », déplore Patrice Loubon. Il précise qu’ils n’avaient jamais eu de menaces ou de quelconques problèmes depuis le début de l’exposition. « On a eu beaucoup de visites. Les gens, pas forcément notre public habituel, ont adoré. » Un tirage avait toutefois déjà été vandalisé lors de son exposition à Toulouse, rappelle Kamille Levêque Jego. « Je pense que c’était la réaction immature d’un enfant ou d’un jeune qui ne comprenait pas. Mais c’est vrai que c’était la seule photographie touchée. Ce n’est pas anodin. »

« On va la refaire cette exposition »

L’artiste se dit « atterrée par la bêtise et la violence » et ne compte pas en rester là. « On va la refaire cette exposition lorsque les questions d’assurance seront réglées », déclare-t-elle sur les réseaux sociaux. « Cette attaque au lieu de m’intimider finalement elle me conforte dans l’importance du propos que j’ai voulu mettre dans ce travail. Cela montre qu’il y a une violence systématique quand il s’agit de célébrer une vision de la femme qui n’est pas soumise, qui ose s’exprimer et qui ose se défendre. On ne va pas se laisser faire. »

La photographe et le président du Centre d’art peuvent compter sur le soutien des élus politiques de Nîmes. « Les dégradations qui ont lieu à l’encontre des œuvres exposées dans la galerie Negpos sont totalement condamnables. Elles témoignent de l’étroitesse d’esprit du délinquant qui a commis ce forfait, et, surtout de son imbécilité», affirme dans un communiqué Daniel Jean-Valade, adjoint à la Culture à la ville de Nîmes.

« S’en prendre à des œuvres d’art révèle de la stupidité et d’un esprit destructeur. Ce geste l’est d’autant plus que ces œuvres racontaient la place de la Femme et les conditions de vie auxquelles elles se trouvent confrontées sur tous les continents. Les œuvres d’art sont là pour être admirées, pour être interrogées et pour susciter le débat, et c’est en cela qu’en s’en prenant à l’art cet acte n’a aucun sens. L’art quel qu’il soit, invite au libre arbitre mais jamais à sa dégradation», réagit de son côté Franck Proust, président LR de Nîmes Métropole dans une publication Facebook.