Les civils de Gaza-ville à nouveau forcés de fuir alors que l'armée israélienne prépare son offensive
Le ministre israélien de la Défense a approuvé, le 20 août, le plan pour conquérir la ville de Gaza, ordonnant le rappel de 60 000 réservistes. Le même jour, Israël a annoncé avoir lancé les premières étapes d’une opération militaire visant à s’emparer de la ville, où vivent environ un million de personnes selon les estimations de l’ONU.
Les habitants ont rapporté des bombardements incessants dans la nuit du 20 au 21 août, qui faisaient suite à une intensification des frappes sur la ville dans les jours précédents. Le 20 août, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a déclaré avoir recensé 54 attaques contre des immeubles résidentiels depuis le 8 août, ayant causé la mort de 87 Palestiniens. L’agence de l’ONU a également signalé des attaques contre des abris accueillant des déplacés internes, qui ont fait au moins 14 morts. “Cela indique que la destruction systématique de la ville de Gaza est déjà en cours”, indiquait le communiqué.
Les frappes israéliennes ont particulièrement visé le quartier d’Al-Zaytoun, dans le sud-est de la ville de Gaza.
Dans des vidéos partagées en ligne, on peut voir les conséquences de ces frappes : des immeubles de plusieurs étages totalement détruits, des rues obstruées par les décombres et de la fumée s’élevant des ruines des bâtiments.
Camps de déplacés abandonnés
“À la suite des récentes attaques, des centaines de familles ont été forcées de fuir”, a déclaré l’ONU le 20 août.
Comme l’a rapporté le média britannique Sky News, des images satellite de la ville de Gaza révèlent que plusieurs camps qui accueillaient des civils déplacés ont soudainement été abandonnés récemment.
Une image de Planet Labs datée du 9 août montre plus de 200 tentes dans le quartier d’Al-Zaytoun. Une autre image prise seulement 10 jours plus tard n’en montre plus qu’une dizaine.
Immeubles rasés
Des images satellite confirment que la ville de Gaza a subi de nouvelles destructions importantes au début du mois d’août, y compris dans des zones proches des camps de déplacés. Ces nouveaux dégâts s’ajoutent aux importantes destructions déjà subies par la ville, qui était détruite à 74 % au 2 juillet 2025, selon une analyse des chercheurs Corey Scher de la City University of New York et Jamon Van Den Hoek de l’Oregon University.
Des dizaines d’immeubles ont été rasés dans les quartiers du sud-est de la ville de Gaza au début du mois d’août.
Le 22 août, le ministre de la Défense israélien, Israel Katz, a promis de détruire la ville de Gaza si le Hamas n’acceptait pas de se désarmer, de libérer tous les otages et de mettre fin à la guerre selon les conditions d’Israël. Il a averti que la ville de Gaza risquait de devenir un autre Rafah ou Beit Hanoun, en référence à deux autres villes de la bande de Gaza largement rasées lors d’opérations israéliennes précédentes.
“Je vais être déplacé une fois de plus, fuyant la mort”
L’armée israélienne a annoncé avoir entamé les préparatifs pour l’évacuation de la ville de Gaza.
Son porte-parole arabophone, Avichay Adraee, a déclaré le 21 août que l’armée avait commencé à émettre des appels d’avertissement préliminaires aux autorités médicales et aux organisations internationales dans le nord de Gaza, dans le but de “préparer le déplacement de la population de la ville de Gaza vers le sud pour leur protection”.
Abdulaziz vit dans la ville de Gaza, où l’armée israélienne a largué des tracts avec des ordres d’évacuation le 20 août. Il a échangé avec notre équipe ce même jour :
“Un nouvel ordre d’évacuation a été émis dans la zone où je vis, à l’est du secteur d’Abu Iskandar [dans le nord de la ville de Gaza, NDLR]. Comme mes voisins, j’espère une nouvelle qui annulera cet ordre, mais malheureusement, toutes les informations indiquent que nous devons quitter nos maisons et nous rendre vers le sud, à Deir al-Balah [dans le centre de l’enclave, NDLR] et Al Mawasi de Khan Younès [dans le sud de l’enclave, NDLR], comme le dit l’armée israélienne.”

“La situation est très dangereuse. Les frappes aériennes sont très intenses. Depuis la nuit dernière jusqu’à maintenant, elles ne se sont pas arrêtées. Je ne sais pas ce qui se passera dans les heures à venir. Je m’attends à devoir quitter ma maison, à être déplacé une fois de plus, fuyant la mort, fuyant les massacres, fuyant les frappes aériennes violentes qui ne font pas de distinction entre civils et militaires.”
Depuis la fin d’un cessez-le-feu de deux mois, le 18 mars, Israël a émis des dizaines d’ordres d’évacuation, restreignant fortement l’espace disponible pour les plus de deux millions d’habitants de Gaza.
Dans un communiqué du 20 août, l’ONU a souligné les “conditions humanitaires désastreuses dans toute la bande de Gaza”, précisant qu’”il n’y a aucun endroit sûr où aller”. Si l’armée israélienne oriente fréquemment les habitants vers le camp d’Al-Mawasi, dans le sud de l’enclave, l’ONU a signalé qu’Israël a “frappé à plusieurs reprises les tentes des déplacés” sur place.
Le 22 août, l’ONU a officiellement déclaré la famine dans la ville de Gaza et sa région environnante.
“Nous voulons juste une chance de vivre”
Pour de nombreux habitants de Gaza, il s’agirait d’une énième évacuation. Mohammed, qui habite actuellement dans la ville de Gaza, détaille ses multiples déplacements :
“Au début de la guerre, nous avons fui le quartier de Beit Lahia, dans le nord de Gaza. Nous nous sommes déplacés vers le centre de la bande de Gaza, à Nuseirat. Nous avons ensuite déménagé dans le sud, à Khan Younès. Des amis nous y ont hébergés. À l'approche du troisième mois, l'armée nous a ordonné de nous diriger à l'ouest de Khan Younès. La zone était déjà surpeuplée. Après quatre jours de recherches, nous avons trouvé un endroit pour monter une tente.
Deux mois après, les chars et les avions de l'occupation ont encerclé la zone sans avertissement, nous ordonnant de nous rendre à Rafah, à l'extrême sud de la bande de Gaza. Nous avons marché sous la pluie et le froid, sans vêtements ni couvertures.
En mai 2024, les chars de l'occupation ont commencé à arriver à Rafah. Ils nous ont forcés à partir. Nous nous sommes enfuis vers Khan Younès, ou du moins ce qu'il en restait, dans la zone d'Al-Mawasi.
En janvier 2025, un accord a été trouvé pour que nous puissions retourner au nord de Gaza, à Beit Lahia. Nous avons commencé à réparer ce qu'il restait de notre maison. Mais les combats ont repris en mai. Nous avons été forcés de fuir, pour nous réfugier à l'ouest de la ville de Gaza, en plein air, sans nourriture, ni eau, ni abri.
Je ne supporte plus le fardeau de l’exil, des déplacements et des expulsions, ni de vivre à ciel ouvert sous un ciel rempli d’avions qui ne font pas de distinction entre un enfant et une femme. Je ne supporte plus la faim et la soif. Nous avons besoin d’une véritable protection pour les civils. Nous ne voulons pas mourir ; nous voulons juste une chance de vivre. Je suis un civil sans défense. Je ne suis plus capable de résister ou de supporter cet enfer. Les menaces d’Israël d’envahir complètement la bande de Gaza signifient que nous sommes tous condamnés à mort.”
Nouvelles traces de véhicules
En plus de sa campagne aérienne en cours, l’armée israélienne se prépare à une incursion terrestre.
Une publication Telegram du porte-parole de l’armée israélienne indiquait le 20 août que “les forces de la 162ᵉ brigade combatt[ai]ent aux abords de la ville de Gaza”. Israël affirme que la ville est le dernier bastion du Hamas.
Des images satellite montrent la construction ou l’élargissement récents de plusieurs routes reliant la frontière israélienne à la partie sud-est de la ville, ce qui suggère le déplacement de troupes et de matériel lourd.
L’enquête de Sky News a également identifié plusieurs véhicules militaires, dont des bulldozers, près de l’emplacement d’un ancien camp de déplacés.
L’ONU souligne que le droit international interdit à Israël de détruire des biens civils sauf si cela est absolument nécessaire pour les opérations militaires, ajoutant que “la destruction généralisée des immeubles résidentiels dans la ville de Gaza n’est pas considérée comme une nécessité militaire impérieuse”.