François Bayrou a encore menti. Après ses premières révélations, Mediapart a publié, jeudi 20 février, l’interview d’une ancienne professeure de mathématiques à Notre-Dame de Bétharram. Dans une vidéo, elle affirme avoir alerté le couple Bayrou sur les violences commises, au milieu des années 1990. Le lendemain, le premier ministre a continué de nier avoir eu connaissance des graves accusations de violences physiques et sexuelles qui pesaient sur l’établissement. « Vous voyez bien la mécanique du scandale qu’on cherche », a déclaré le Premier ministre devant des journalistes au sortir d’une réunion de travail à Matignon. « Ces protagonistes, je ne les connais pas, ma femme non plus », a affirmé le chef du gouvernement.
Des déclarations qui arrivent au moment où s’achèvent les premières gardes à vue, après un an d’enquête sur des accusations de violences physiques et sexuelles. Ce même jour, une information judiciaire a été ouverte, des chefs de viols et agressions sexuelles à l’encontre d’un seul des trois hommes placés en garde à vue dans le cadre de l’affaire Bétharram, a annoncé le parquet de Pau.
Les deux autres hommes laissés libres en raison de la prescription
Le suspect concerné est un ancien surveillant de cet établissement catholique du Béarn, né en 1965, qui était encore en fonction l’année dernière avant d’être écarté après l’ouverture de l’enquête judiciaire. Les deux autres hommes placés en garde à vue mercredi, nés en 1931 et 1955, ont été laissés libres en raison de la prescription des faits qui leur étaient reprochés, a précisé le procureur Rodolphe Jarry.
Ces trois anciens membres du personnel, un prêtre et deux laïcs, avaient été placés, mercredi 19 février, en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte pour « viols aggravés, agressions sexuelles aggravées, et violences aggravées ».
Les plaignants interrogés par l’Agence France Presse avaient mis en cause les trois suspects. « J’ai subi des punitions, des violences, on nous caressait à la sortie des douches, personne ne disait rien, on avait neuf ans ! », a enragé Brice Ducos, 49 ans, interne à Bétharram entre 1984 et 1991, ciblant l’un des surveillants surnommé Cheval à l’époque. Une allusion à la chevalière qu’il portait à une main et qu’il retournait avant de gifler un élève, en lui disant : « Regarde ce que tu m’obliges à faire », a témoigné un autre ancien, scolarisé de 1973 à 1980, qui a requis l’anonymat.
Un total de 132 plaintes
Antoine*, 48 ans, a incriminé, lui, l’autre surveillant. « J’ai été son protégé », dit-il, évoquant des agressions sexuelles sous la tente lors de sorties scoutes, puis des masturbations hebdomadaires, quatre ans durant, quand il habitait chez lui.
Jean-Marie Delbos, 78 ans, a accusé, lui, le nonagénaire, « jeune ecclésiastique » quand il l’a vu arriver au dortoir en 1957. Il « venait la nuit, soutane ouverte, s’accroupir au pied du lit pour faire des attouchements et des fellations », a-t-il raconté. Des « faits graves », « en contradiction totale avec l’esprit de l’enseignement catholique », avait réagi la Conférence des évêques de France.
Au total, le collectif de victimes de Bétharram a recensé 132 plaintes. Les victimes, enfants ou adolescents à l’époque des faits, décrivent des masturbations et fellations imposées ou subies plusieurs fois par semaine, des châtiments corporels, menaces et humiliations.
« L’État n’a pas été au rendez-vous » dans cette affaire, a regretté de son côté la ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, vendredi sur BFMTV/RMC, jugeant « difficile de comprendre » pourquoi il n’a pas réagi plus tôt. L’établissement qui n’a été inspecté qu’une seule fois en 1996 – le rapport, renié récemment par son auteur, n’avait rien relevé d’anormal malgré une première affaire de violences – doit faire l’objet d’une inspection académique la semaine du 17 mars.
*Le prénom a été modifié
Avant de partir, une dernière chose…
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