Encore à l’agonie il y a une dizaine d’années, les trains de nuit renaissent plus fort que jamais en France. À la faveur de réouvertures ou de créations de lignes, ils ont transporté un million de voyageurs en 2024, soit 26 % de plus qu’en 2023 et plus du double qu’en 2019. Une «fréquentation record bridée faute de rames» et une «relance incomplète pour répondre à la demande croissante», conclut cette fédération d’associations de défense de l’environnement, dans son rapport «Trains de nuit, le réveil a sonné» publié ce mardi.
L’organisme, qui fédère une trentaine d’ONG engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique dont WWF, Greenpeace et Les amis de la Terre, y émet plusieurs recommandations qui permettraient de faire entrer ce mode de transport dans les habitudes des Français.
Passer de 129 à 600 voitures couchettes
La SNCF dispose actuellement de 129 voitures couchettes, un parc sous-dimensionné pour répondre à la demande des voyageurs. Résultat : les Paris-Toulouse et Paris-Nice affichent souvent complets. L’État, qui a autorité sur l’offre d’Intercités de nuit, a lancé en janvier 2025 un appel d’offres pour l’achat de 180 voitures qui seraient livrées au minimum en 2030. Une commande salutaire mais insuffisante. Réseau Action Climat préconise «d’activer la clause optionnelle de cet appel d’offres» afin de permettre la commande de 340 voitures en tout.
Mieux, l’ONG rêve d’un parc de 600 voitures d’ici à 2035, un volume qui permettrait de transporter 5,7 millions de passagers annuels, soit six fois plus qu’aujourd’hui. L’«effet réseau» ferait chuter le coût par passager et rendrait l’exploitation moins déficitaire qu’actuellement. Selon le RAC, «augmenter le nombre de trains de nuit en circulation permet de faire des économies d’échelle considérables [avec] une mutualisation de la maintenance, une optimisation des correspondances, une meilleure connaissance de l’offre par les usagers...»
Créer des lignes transversales...
Pour l’heure, tous les trains de nuit ont Paris pour point de départ ou d’arrivée. Une centralisation qui se fait au détriment de liaisons transversales sur lesquelles les besoins sont importants. Sur les axes Marseille-Nantes, Bordeaux-Lyon ou Lille-Nice, «il n’existe tout simplement aucune connexion directe, encourageant les voyageurs à se déplacer en avion ou à faire une correspondance coûteuse», note le rapport. Les compagnies aériennes réalisant ces trajets apprécieront. Le train de nuit serait ainsi une solution assez rapide à déployer et agirait en complément efficace de la grande vitesse.»
... et internationales pour concurrencer l’avion
À l’exception du Paris-Berlin et du Paris-Vienne, les trains de nuit ne franchissent jamais les frontières. Développer des lignes internationales favoriserait, toujours selon la fédération, un report modal depuis l’avion. «Sur les dix principales liaisons aériennes vers l’Europe, au moins six pourraient se faire en train de nuit : Paris-Madrid , Paris-Barcelone , Paris-Milan , Paris-Rome , Nice-Londres et Paris-Venise . Parmi elles, seules Paris-Barcelone et Paris-Milan disposent d’une connexion directe de jour en 2025», observe le RAC.
Pour l’heure, aucune nouvelle liaison internationale n’est prévue en France. Le Zurich-Barcelone via Lyon, annoncé pour décembre 2024 par les chemins de fer autrichiens (ÖBB), est reporté sine die. L’opérateur privé European Sleeper envisage aussi une liaison vers Barcelone depuis Bruxelles, mais sans date de lancement compte tenu, là aussi, de contraintes techniques et administratives.
Faire circuler les trains malgré les travaux de nuit
«Ces deux dernières années, un train de nuit sur six [a été] annulé à cause de travaux sur la voie la nuit. Sur certaines liaisons comme Paris-Briançon ou Paris-Tarbes, ce chiffre monte à un sur trois», souligne le rapport. Conséquence selon le RAC : les voyageurs optent pour un autre mode de transport, empruntent les bus de remplacement ou renoncent simplement à leur trajet. Pour ne pas pénaliser l’attractivité de l’offre nocturne, Réseau Action Climat suggère de créer des itinéraires bis, de réaliser les travaux sur une seule voie, voire de réduire les plages horaires des chantiers pour permettre aux trains de passer.
EN VIDÉO - Alpes : un nouveau train de nuit va relier Paris aux huit stations de ski de la vallée de la Tarentaise