Exsangue sous Bachar al-Assad, l'économie syrienne s'efforce de renaître
La Syrie a été libérée de 50 ans de dictature du clan Assad mais les défis qu'elle doit relever sont titanesques. Treize ans de guerre ont laissé un pays usé (ruiné) et une économie paralysée par les sanctions imposées par l’Union européenne en 2011, et renforcées en 2019 par le Caesar Act américain. D'après le dernier rapport de la Banque mondiale, publié au printemps 2024, le produit intérieur brut (PIB) du pays a diminué de 54 % entre 2010 et 2021. Les chiffres, malgré un manque de données récentes, parlent d'eux-mêmes.
Depuis 2011, la livre syrienne a perdu 90 % de sa valeur. Vendre des devises était passible de sept ans de prison et de lourdes amendes sous Bachar al-Assad, qui gardait la main sur les monnaies étrangères pour se maintenir à flot. Le simple fait de prononcer le mot dollar pouvait mener en prison, selon les témoignages recueillis par France 24.
"On appelait le dollar 'menthe', 'persil' ou toute autre pousse verte" pour échapper à la surveillance, raconte à l'AFP Amir Halimeh, installé derrière une petite table sur laquelle sont empilées des liasses de livres syriennes et de dollars à Damas.
Aujourd’hui, faute de bureau de change officiel, les transactions se font en pleine rue, essentiellement devant le siège de la Banque centrale de Syrie dans la capitale. Le taux officiel a été divisé par 270 par rapport au dollar en 2024, atteignant 12 562 livres syriennes pour un dollar en 2024, contre 47 en 2011. À la veille de la chute de l'homme fort de Damas, le billet vert s'échangeait contre 30 000 livres syriennes.
De graves pénuries d'énergie
Autrefois le plus grand exportateur de pétrole de la Méditerranée orientale, la Syrie est devenue importateur de pétrole, notamment en provenance d'Iran. La guerre a fortement réduit la production pétrolière, qui s'établissait à près de 400 000 barils de brut par jour, la plupart des gisements d’hydrocarbures se trouvant dans des zones sous contrôle kurde, dans le nord-est du pays.
Depuis le 8 décembre, l’Iran et les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont cessé toutes les exportations de carburant vers le pays désormais contrôlé par Ahmed al-Charaa, leader du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC ou HTS) et nouvel homme fort de Damas. Des négociations pour une reprise des livraisons ont débuté entre les Kurdes et la nouvelle administration à la mi-janvier mais peinent à aboutir pour l'instant.
Faute de pétrole, de sévères pénuries de carburant affectaient le quotidien des Syriens. Malgré la mise en place de mécanismes de distribution, les quantités de carburant allouées à chaque véhicule étaient insuffisantes. La plupart des propriétaires de véhicules se ravitaillaient sur le marché noir approvisionné par le Liban voisin. Aujourd'hui, la contrebande n'a pas disparue. Bien au contraire.
Dans les rues de Damas, sur les bords des autoroutes du pays, les vendeurs de "benzine" (essence en allemand, NDLR) sont partout. Impossible d'ignorer ces énormes bouteilles en plastique contenant un liquide jaune vert.
Une extrême pauvreté partout en Syrie
Près de 90% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, selon l'agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Plus de 16 millions de Syriens ont besoin d'aide humanitaire urgente.
La société syrienne s'est ainsi cruellement appauvrie pendant les treize ans de guerre. Les scènes de la vie quotidienne en témoignent. Fruits et légumes, pain, vêtements... les vendeurs à la sauvette sont partout dans la capitale. Les marchandises étrangères, autrefois introduits en contrebande, se vendent au grand jour.
En 2010, le salaire moyen était de 170 dollars (environ 128 euros à l'époque). En 2021, le salaire moyen dans le secteur privé s'établissait autour de 21 dollars (environ 20 euros) par mois, entre 15 et 40 dollars (soit environ 14 à 38 euros) pour les fonctionnaires.
Vers une levée des sanctions économiques ?
Pour relancer l'économie, le nouveau gouvernement syrien multiplie les appels à lever les sanctions économiques internationales.
"La levée des sanctions économiques est la clé de la stabilité en Syrie", a affirmé le ministre des Affaires étrangères Assaad al-Chaibani lors d'une discussion avec l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, mercredi 22 janvier, à Davos, en Suisse.
"Nous avons hérité d'un État en ruine du régime Assad, il n'y a aucun système économique", a-t-il poursuivi, exprimant l'espoir qu'"à l'avenir, l'économie sera ouverte".
Si l'Arabie saoudite s'est dite favorable dès la mi-janvier à favoriser le "développement et sa reconstruction" de la Syrie, cette perspective reste encore lointaine. Le département du Trésor américain a annoncé début janvier un allègement des restrictions affectant les services essentiels, dont les carburants ou l'aide humanitaire. Mais nombreuses capitales, dont Washington, ont déclaré attendre de juger sur leurs actes les nouvelles autorités dominées par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTC), l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, avant de lever les sanctions.